C’était le 26 juin 1945. Ils étaient 3000 délégués et 50 pays à applaudir la signature de la Charte des Nations unies à la conférence de San Francisco. C’était la promesse, élaborée à Dumbarton Oaks un an plus tôt, de reconstruire ensemble un monde meilleur sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale.

Septante-cinq ans et une guerre froide plus tard, l’ONU est toujours là. Avec l’adoption des Objectifs de développement durable en 2015, elle a montré qu’elle pouvait changer de paradigme en associant les Etats, la société civile et le secteur privé pour combattre la pauvreté, assurer la santé de tous ou encore sauver l’environnement. Ce n’est cependant pas suffisant pour en faire une organisation à la hauteur des défis du XXIe siècle.

Depuis des années, la «grande réforme» de l’ONU est enlisée. La structure du Conseil de sécurité, avec ses cinq puissances dotées du droit de veto, ne répond plus aux exigences d’un monde extraordinairement complexe et fragmenté. Les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France avaient promis à San Francisco que grâce à leurs prérogatives, ils allaient garantir la paix internationale. A la lumière du désastre syrien ou yéménite, force est de constater l’échec patent du Conseil de sécurité qui discrédite l’organisation dans son entier.

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Les Etats-Unis de Trump voient dans le multilatéralisme un instrument non pas de solidarité pour rendre la planète meilleure, mais de défense des intérêts étroitement américains. Leur retrait de l’Unesco, du Conseil des droits de l’homme et de l’OMS ainsi que leur travail de sape à l’OMC en sont l’expression la plus affligeante. La Chine, qui investit la scène internationale comme jamais auparavant, peine à cacher sa volonté de réécrire «aux conditions chinoises» les normes internationales qui ont sous-tendu l’ordre libéral de l’après-guerre. Inutile de se voiler la face, le multilatéralisme est en crise, saboté par un populisme nauséabond, par un repli nationaliste inquiétant et par des contraintes budgétaires de plus en plus impossibles à tenir. La rivalité sino-américaine ne fait qu’aggraver la situation et pourrait paralyser l’ONU.

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Il est pourtant encourageant de voir la France et l’Allemagne, et d’autres pays dans leur sillage, associer leurs forces au sein de l’Alliance pour le multilatéralisme pour réaffirmer la nécessité de la coopération internationale. En soutenant l’ONU tout en lui demandant de se réformer, l’Europe doit faire office, avec ses valeurs propres, de pont entre les puissances américaine et chinoise au service de la démocratie. Et la Suisse? Elle a un intérêt manifeste à s’associer à cette dynamique et à ne pas se perdre dans de petits calculs liés à sa neutralité.