Dans le monde des banques centrales, la Banque nationale suisse (BNS) est l’une des rares institutions dans une position confortable. Peut-être n’est-ce que temporaire. Et relatif. N’empêche: en l’espace de trois mois, elle a pu sortir, enfin, de l’ère des taux négatifs. Un outil qui a porté ses fruits et qui entre définitivement dans son arsenal, a souligné jeudi Thomas Jordan. Mais qui comportait sa dose de controverses et de problèmes collatéraux. Le président de l’institution n’hésitera pas à le réutiliser si nécessaire. De son propre aveu, cependant, vivre dans un environnement de taux d’intérêt positifs est largement préférable. C’est désormais le cas avec un loyer de l’argent qui revient à 0,5% pour la première fois depuis plus d’une décennie.

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Enviable, la situation de la BNS l’est aussi parce que l’inflation reste modeste, en comparaison internationale. A 3,4%, elle dépasse son objectif (entre 0 et 2%), certes. C’est déplaisant et cela comporte des risques, mais moindres que chez ses voisins. La BNS peut le souligner: ce renchérissement tient essentiellement à l’envolée des prix de l’énergie et de l’alimentation, contre laquelle elle ne peut pas grand-chose. C’est la même logique en Europe, mais la BNS a deux atouts que la BCE n’a pas: la composante énergie est moins importante dans le total de l’inflation suisse et le franc fort limite de surcroît ce renchérissement dit «importé» puisqu’il vient de produits étrangers.

Voir venir

Aussi peut-elle se permettre de dire que des hausses de taux supplémentaires pourraient se justifier. Elles ne s’imposent pas, comme en Europe ou aux Etats-Unis. Cette marge de manœuvre est inespérée face à une croissance économique qui se ramollit et aux risques qui se multiplient: conséquences économiques de la guerre en Ukraine, pénuries d’énergie, restes de la pandémie, etc. Et désormais, combativité des banques centrales rivalisant de hausses de taux. En retard et sous pression, la Réserve fédérale américaine (Fed) incarne bien le péril du moment: pour lutter contre une inflation qui s’est généralisée, elle prend le risque d’aller trop loin et de provoquer une récession. Or, ceux qui souffrent maintenant de l’inflation seront aussi ceux qui subiront le retournement de la conjoncture.

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La BNS a le triple luxe de ne pas être très en retard dans sa lutte contre une inflation qui n’est pas généralisée, de compter sur un franc fort qui se révèle, cette fois, un sérieux atout, et de s’appuyer sur une économie relativement solide. Elle peut encore sereinement voir venir. Même si l’économie helvétique n’est jamais étanche: elle subira aussi les conséquences d’une récession américaine ou européenne.

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