Les événements du Proche-Orient vont sans aucun doute enrichir la réflexion sur la politique de la neutralité et étoffer la jurisprudence en la matière, à défaut d'en rénover le droit, qui repose sur des conventions qui seront vieilles d'un siècle l'an prochain. Nul doute que le rapport demandé par le Conseil fédéral aux Affaires étrangères va fournir d'intéressantes considérations sur la neutralité appliquée aux conflits asymétriques, et en l'occurrence aux conflits entre un Etat et une milice. On ne saurait négliger ni l'apport théorique de cette entreprise, ni sa valeur opérationnelle, si ce genre de conflit devait se généraliser.
On peut toutefois conjecturer que la question n'interpelle guère les malheureux civils qui se terrent sous les bombes et qui pleurent leurs proches ou leurs biens, pas plus que les combattants des deux camps qui s'affrontent sur le terrain. Il est même douteux qu'elle intéresse beaucoup plus les chancelleries du globe.
Et si ce débat sur la neutralité n'intéressait que nous? La principale leçon que donne pour l'instant la Suisse en se penchant sur les malheurs du Proche-Orient est une leçon de nombrilisme. On sait à quel point les initiatives des Affaires étrangères peuvent parfois répondre à un besoin existentiel de visibilité. Mais la remarque vaut pour l'entier du monde politique, qui applique au Liban le schéma de ses chamailleries rituelles.
Sans exclure une compassion authentique, cette façon de tout ramener aux questionnements d'une problématique helvético-suisse a quelque chose de choquant. Cela ressemble moins, toutefois, à l'expression d'une confusion des valeurs qu'à une illusion sur l'importance relative de la Suisse, de sa neutralité et de ses initiatives diplomatiques.
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