ÉDITORIAL. Xi Jinping concentre désormais tous les pouvoirs et sans limite de temps

Combien de dirigeants démocrates actuels étaient au pouvoir lorsque Xi Jinping est devenu le leader de la Chine en 2012? Sans doute très peu. Et combien de ceux-ci seront encore en fonction lorsque le secrétaire général du Parti communiste renoncera à son poste? Peut-être aucun. La Chine renoue avec la tradition des despotes à vie. Comme sous Mao. Comme sous l’Empire. Après avoir mis au pas le parti, puis réorganisé l’armée, Xi Jinping a cette semaine remodelé l’Etat. Il est le pouvoir. Et il en contrôle désormais l’essentiel des rouages. Il n’est plus un poste clé de l’empire qui ne soit occupé par un loyaliste. Plus un lieutenant qui ne soit dévoué à son culte. Jiang Zemin – qui pilotait la clique de Shanghai – est mort. Hu Jintao – et sa faction des «jeunesses du parti» – a été humilié. Les concurrents d’hier sont en prison. Xi Jinping a aujourd’hui un pays en ordre de bataille.
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C’est une Chine qui est prête à affronter les défis d’une «nouvelle ère». Pour Pékin, après des décennies dans l’ombre, le temps de l’affirmation est en effet venu. Cela n’ira pas sans provoquer des frictions avec les puissances établies, Etats-Unis en tête. L’étude de l’émergence et du déclin des empires, la façon d’éviter une guerre sont une obsession des dirigeants chinois. Les théoriciens du parti ont scruté depuis un quart de siècle tous les précédents historiques. Cela se passe rarement bien. La fin de la globalisation économique, si profitable à Pékin, était de ce point de vue prévisible. Washington recourt à son tour au protectionnisme pour freiner le rattrapage technologique chinois.
C’est dans cet esprit d’inéluctable confrontation que Xi Jinping a acté cette semaine le retour à la guerre froide en accusant pour la première fois Joe Biden de mener une politique d’«endiguement». De fait, le système d’alliances des Etats-Unis sur la façade maritime chinoise s’est notablement renforcé ces derniers mois, de la Corée du Sud aux Philippines, en passant par Taïwan. Pékin cherche ainsi à se poser aux yeux du monde en victime d’une volonté hégémonique américaine. C’est oublier que si la plupart des voisins de la Chine se rapprochent de nouveau de Washington, c’est précisément par crainte des nouvelles prétentions territoriales de Pékin.
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Cette concentration des pouvoirs pose la question d’une dérive poutinienne de Xi Jinping. Avec la tentation de recourir à la force pour redéfinir l’ordre mondial. On n’en est pas encore là. L’économie chinoise reste en effet beaucoup trop imbriquée avec l’étranger pour risquer les sanctions qu’entraînerait inévitablement un conflit armé. Ce n’est peut-être qu’une question de temps. Car cette mise au pas vise aussi à rendre l’économie chinoise de plus en plus autonome vis-à-vis des puissances occidentales. Il est encore temps pour les Etats-Unis et les Européens de faire en sorte d’éviter l’escalade. En renonçant à se découpler de l’économie chinoise. Car ce jour-là, il sera trop tard.
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