Les révolutions empruntent parfois de bien sinueux chemins. Celui des douanes par exemple, comme le prouve le cas de l’Irlande du Nord. Mettant fin à leur différend, Londres et Bruxelles ont amendé lundi le protocole qui réglementait depuis 2021 le transport des biens entre la Grande-Bretagne et cette province britannique.

Un dossier d’apparence très technique, mais aux enjeux fondamentaux. Alors que l’Irlande du Nord est la seule province du Royaume-Uni disposant d’une frontière avec l’Union européenne, il fallait à tout prix éviter de créer une barrière terrestre entre cette dernière et l’Irlande, qui, elle, en est membre. Un tel acte aurait fragilisé la paix conclue par ses principales forces politiques, après trente ans d’un sanglant conflit. De quoi faire transpirer les négociateurs de ce volet, le plus complexe du Brexit.

Le 27 février sera à marquer d’une pierre blanche. Pour Londres, bien sûr, qui va pouvoir normaliser ses relations avec l’UE et réintégrer, par exemple, le précieux programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe, dont elle avait été écartée. Pour Belfast surtout, qui pourrait voir s’ouvrir une nouvelle page de son histoire.

Enfin un gouvernement à Belfast?

D’abord, parce que les Nord-Irlandais pourront peut-être enfin avoir un gouvernement. Farouchement attaché à l’unité du Royaume-Uni, le Democratic Unionist Party (DUP) protestait contre les contrôles prévus par le protocole en empêchant la formation d’une coalition par deux fois ces dernières années. Voici que les unionistes perdent leur principal fonds de commerce, après s’être largement trompés quant à l’impact du Brexit, qui a fragmenté la Grande-Bretagne au lieu de la rassembler. Pire: ils devront maintenant accepter d’être dirigés par un premier ministre républicain.

Après avoir dominé l’Irlande du Nord dès la fin de la guerre civile en 1923, les unionistes, qui ne sont plus majoritaires au parlement depuis 2022, ne comptent plus que 20% d’électeurs, l’évolution démographique étant favorable aux républicains catholiques du Sinn Féin. Un quart de siècle après l’Accord du Vendredi-Saint qui mit fin à une guerre civile longue de trente ans, l’Irlande du Nord entre, par l’amendement de lundi, dans une nouvelle ère. Pour elle, et pour sa voisine du sud.


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