Une stratégie des bons amis sans effet miracle
DIPLOMATIE
Suite au vote du 9 février 2014, le gouvernement a mis en place la stratégie suivante: rencontrer les pays membres de l’Union européenne, histoire de contourner la Commission, intransigeante sur la libre circulation des personnes. Sans être un échec, le plan du Conseil fédéral s’est révélé stérile

Voilà encore une visite d’Etat qui s’annonce pleine de bons sentiments. Le président du Portugal Marcelo Rebelo de Sousa sera reçu par le Conseil fédéral lundi et mardi. Il ne manquera pas de louer la longue histoire d’amitié qui lie son pays à la Suisse et de dire le fort intérêt de Lisbonne à voir Berne parvenir à une solution avec l’Union européenne sur le différend migratoire. Bien sûr, le Portugal espère qu’une solution se dessine pour préserver la libre circulation des personnes.
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C’est aussi dans l’intérêt de ses 270’000 ressortissants qui vivent en Suisse, dont 80% sont actifs sur le marché du travail. Sans doute, le chef de l’Etat portugais dira-t-il encore sa compréhension envers le vote du 9 février sur le frein à l’immigration, qui a divisé la population suisse en deux.
Sur le dossier européen, la tonalité de la visite du président portugais devrait ainsi ressembler très fortement à celles d’autres personnalités invitées par le Conseil fédéral dans l’espoir de trouver des alliés. Le gouvernement a mis en place cette stratégie suite au vote du 9 février 2014: rencontrer les pays membres de l’Union européenne, histoire de contourner la Commission, gardienne des acquis communautaires, intransigeante sur la libre circulation des personnes.
Grâce aux efforts d’une diplomatie efficace, Berne s’est invité dans l’agenda non seulement de pays qui assument le tournus de la présidence du Conseil de l’UE mais aussi auprès des dirigeants les plus influents. L’an dernier, le président français François Hollande s’était dit prêt à soutenir la Suisse, en tant qu’ami. En septembre 2015, la chancelière Allemande Angela Merkel venue elle aussi à Berne s’était engagée à appuyer la démarche helvétique auprès de l’Union européenne.
Même si toutes ces marques d’amitié et de soutien sont douces à entendre, il faut admettre aujourd’hui avec le recul qu’elles n’ont pas eu de portée concrète. L’ancien premier ministre britannique David Cameron a lui aussi fait une tournée auprès des états membres de l’UE avant d’aller négocier des concessions avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Le résultat de l’opération n’a pas empêché le Brexit.
Sans être un échec, la stratégie du Conseil fédéral s’est révélée stérile. Et à défaut de solution négociée avec la Commission européenne, le Parlement fédéral est en train d’accoucher de sa propre solution de mise en œuvre du frein à la migration. Mais pour lever les nombreux blocages qui empoisonnent encore la relation bilatérale, le Conseil fédéral ne pourra pas éviter l’écueil de la Commission européenne. Il s’agit de rendre la partition mutuellement acceptable et eurocompatible, au moins en théorie. Et peut-être que dans ce moment de vérité, tous ces amis qui nous veulent du bien se montreront utiles.
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