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La valse des milliards

Soixante milliards d’euros dans l’après-midi. Plus de 500 milliards dans la soirée, alors que s’éternisaient les négociations entre les ministres de l’Economie et des finances des Vingt-Sept

Soixante milliards d’euros dans l’après-midi. Plus de 500 milliards dans la soirée, alors que s’éternisaient les négociations entre les ministres de l’Economie et des finances des Vingt-Sept: la volonté d’édifier un mur étanche pour sauver l’euro semblait, hier, être au rendez-vous. Pas question, comme l’avait asséné la semaine dernière le patron de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, qu’un pays doté de la monnaie unique se retrouve incapable de payer ses dettes.

Les montants, pourtant, ne sont qu’une partie de l’équation. Car le fait de payer, ou plutôt de permettre de continuer à emprunter, est en même temps un aveu de taille. L’aveu d’un abandon définitif des critères de stabilité, légitimant la spirale de l’endettement. Soit une hypothèque de taille pour les générations à venir.

Les montants, par ailleurs, n’enlèvent pas les futurs écueils politiques. Car en jouant si gros sur le tapis vert des marchés financiers, l’Union européenne s’oblige elle-même à devoir, demain ou après-demain, abattre ses cartes.

La Commission, hier bernée par les statistiques grecques ou contrainte de se taire devant les abus, va devenir, de fait, un créancier doté de pouvoirs intrusifs sur des pays membres toujours jaloux de leurs prérogatives. Et l’Eurozone malade va devoir, pour que le remède fonctionne, accoucher d’une gouvernance économique à la hauteur de sa monnaie unique. Ce qui partout, ou presque, suppose des sacrifices assurés de dissiper un peu plus les dernières illusions de souveraineté.

Or tous ces chocs, survenus dans le secret des bourses, et toutes ces ripostes, concoctées jusque tard dans la nuit dans le secret des sommets communautaires, font fi des peuples européens. Lesquels ont de quoi se sentir ces jours-ci déboussolés. D’où l’autre urgence pour les leaders européens à la crédibilité vacillante: réexpliquer de toute urgence, comme le fit Robert Schuman il y a soixante ans dans sa déclaration du 9 mai 1950, la raison d’être de cette facture astronomique.