Le vote sur l’EEE, il y a vingt ans, avait été précédé d’une campagne d’une rare virulence. Haineuse parfois. Le pays en était ressorti déchiré. De cette croisade antieuropéenne, un homme, Christoph Blocher, avait émergé en véritable leader populaire et redoutable bretteur.

Son parti, l’UDC, doit sa spectaculaire ascension électorale, dès cette époque, à l’exploitation du rejet de l’Europe, mais aussi à la suspicion généralisée contre les élites, le parlement et le gouvernement, enfin à la division soigneusement entretenue entre les Suisses. Il y a les vrais Suisses qui votent UDC et les autres.

Alors qu’aujourd’hui 62% des Suisses estiment que la voie bilatérale, acceptée finalement en 2000, est la meilleure et que moins de 10% souhaitent l’abandonner pour l’adhésion à l’UE, la droite nationaliste devrait se féliciter de la remarquable unité du pays. C’est le contraire que l’on a pu voir à Bienne ce dimanche, lors de la manifestation commémorative de «sa» victoire du 6 décembre. Car pour exister, pour se maintenir comme premier parti du pays, l’UDC a besoin d’entretenir la suspicion, la division et le rejet. L’UDC aime la Suisse immuable; pas les Suisses dans leur diversité.

On peut comprendre que, dans un environnement européen déstabilisé, le Conseil fédéral choisisse de s’en tenir au plus petit commun dénominateur, à la seule voie qui rassemble les Suisses, la voie bilatérale.

Pour l’heure, l’horizon de la Suisse se limite au 31 décembre, avec la réponse européenne à la lettre du Conseil fédéral. Dans ses lignes directrices de politique étrangère, le gouvernement se demande pourtant si «la Suisse a conscience qu’elle doit anticiper les enjeux du futur», qu’il faut ouvrir des perspectives aux citoyens? Or la voie bilatérale, dont on ne sait pas comment elle survivra à d’improbables négociations avec l’UE, n’est pas une perspective. C’est un moyen bien incertain.

Si le Conseil fédéral veut entraîner la Suisse dans des réformes et des choix inéluctables, il doit avoir le courage de dire, comme l’ont fait il y a vingt ans René Felber et Jean-Pascal Delamuraz, où il veut aller. En Europe ou ailleurs. Et y préparer l’opinion longtemps à l’avance.