Vivre avec l’incertitude
ÉDITORIAL. Les clubs professionnels ont accueilli le retour au huis clos dans les stades et les patinoires suisses avec un certain fatalisme. Ils s’habituent à ne plus être sûrs de rien

A l’image du départ d’une course de ski en plein brouillard, l’heure de la conférence de presse annonçant les décisions du Conseil fédéral a longtemps été indécise. Lorsqu’elle eut lieu, elle laissa le sport professionnel suisse dans la situation d’un skieur qui revient d’une longue blessure et se déchire les ligaments du genou dans le troisième virage de la deuxième course de la saison.
Lundi, Swiss Olympic, l’association faîtière du sport, avait plaidé pour une uniformisation des mesures prises la semaine passée au niveau cantonal. Vœu exaucé, mais l’égalité se fait par le bas: la limitation, en intérieur comme en extérieur, à 50 spectateurs est un huis clos qui ne dit pas son nom. Une catastrophe en vue pour des clubs qui, après la mise en place d’un protocole exigeant, coûteux et apparemment efficace, avaient tout juste retrouvé le droit d’accueillir du public.
Dans tous les secteurs, le Conseil fédéral a tenté de serrer la vis sociale («réduire le nombre de contacts», a répété Alain Berset) sans étouffer l’économie. Celle du sport professionnel, football et hockey principalement, sait que, sans aides substantielles directes, elle ne s’en relèvera pas.
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La Swiss Football League a très vite annoncé que les matchs se poursuivraient (tant bien que mal, puisque les cas de joueurs ou encadrants positifs au Covid-19 provoquent chaque semaine de nouveaux reports de match). La Fédération suisse de hockey a, elle, pris le temps de digérer ce qu’elle considère comme «un revers majeur». Ses clubs décideront ces prochains jours s’il vaut encore la peine de jouer. Une trêve internationale de dix jours débute le 2 novembre, il est possible que la pause se prolonge.
Il est cependant trop tard pour épiloguer, et d’ailleurs peu l’ont fait parce qu’ils ont compris quelque chose depuis ce printemps. Résilience ou fatalisme? L’avenir le dira mais le sport, qui lui aussi a d’abord cru à la théorie de la mauvaise grippe, a pris la mesure d’une pandémie avec laquelle il doit apprendre à vivre et qui bouleverse toutes ses certitudes.
Qu’est-ce qui a le plus changé depuis que nous vivons avec le Covid-19? Nous ne prévoyons plus rien à l’avance. Ni vacances, ni sortie, ni restaurant. Le sport, lui, est organisé sur un canevas (calendrier, saison, traditions) immuable et prévisible. Désormais, les dates ne sont plus sûres, les formats sont sujets à modification, les rentrées d’argent ne sont plus garanties. Pour manier encore la métaphore, il s’agit d’apprendre à jouer au football avec un ballon de rugby. Un sport qui reste à inventer.
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