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Ce week-end, le pouvoir des abstentionnistes dans les urnes suisses et françaises

ÉDITORIAL Pour les protagonistes de ce dimanche électoral, la tension monte. Dans le canton de Vaud et en France, les derniers jours ont été consacrés à convaincre les citoyens de s’exprimer

Préparation d'un bureau de vote. Paris Xe, 8 avril 2022. — © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Préparation d'un bureau de vote. Paris Xe, 8 avril 2022. — © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Imaginons. Vous vivez en France avec 1200 euros net par mois et devez renoncer à faire le plein pour pouvoir manger. Ou alors: vous habitez une villa cossue sur la Riviera et coulez des jours heureux grâce à vos rentes. Voter? A quoi bon, dirait Gainsbourg… Même s’il s’agit d’élire le ou la président(e) de la République française, même si vous pouvez faire basculer le gouvernement vaudois à droite. La guerre en Ukraine et les régimes autocratiques devraient, dit-on, vous conduire aux urnes à deux pas de chez vous. Pourtant, dimanche, la grande majorité de la population vaudoise (près de 65%) ne se donnera pas cette peine et plus de 27% des citoyens français n’exprimeront aucun choix, selon les dernières estimations. Dans les pires scénarios, le record d’abstention de 2002 pourrait être battu dans l’Hexagone.

Les abstentionnistes, «le plus grand parti de Suisse» (et de France?) selon la formule consacrée, constituent depuis les années 1970 le symptôme d’une maladie des démocraties vieillissantes, le désintérêt pour la chose publique. Vient avec cette notion le refus de l’autorité, des institutions, renforcé par une tendance à l’individualisme et un décalage ressenti entre la population et ses représentants politiques, cette élite. Lassitude, méfiance, sentiment d’impuissance. Et peut-être aussi syndrome de l’enfant gâté, dont le confort démocratique ne fait naître aucune sensation d’urgence.

A qui profiteront-ils?

Cette fois encore, ces citoyens inactifs ont été au cœur des dernières journées de campagne. La gauche vaudoise a battu le pavé pour les débusquer et les convaincre de venir à sa rescousse. La droite n’a pas été en reste, les quelque 15 voix d’écart entre la centriste Valérie Dittli et l’UDC Michaël Buffat lors du premier tour démontrant, s’il le fallait encore, l’importance d’engranger chaque bulletin.

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En France, des sondages récents détaillent le profil des potentiels abstentionnistes. Ils seraient plutôt jeunes, plutôt de gauche, et issus de foyers plus modestes que la moyenne. Un taux d’abstention élevé devrait donc plutôt favoriser les candidats de droite. Mais les observateurs estiment aussi que les candidats des extrêmes ont une capacité supérieure à mobiliser au dernier moment. En vérité, les politologues sont bien mal armés pour être parfaitement affirmatifs. Les électeurs actifs décideront du résultat, bien sûr. Mais ceux qui refuseront de donner leur voix à un ou une candidat(e) pèseront de tout leur poids, ce week-end. Leur responsabilité pourrait être énorme en France, vu les enjeux du scrutin.

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Les résultats donneront aussi une image de l’état de nos organisations politiques. L’enjeu est plus important qu’il n’y paraît. Car si les citoyens se sentent si mal représentés qu’ils boudent paradoxalement le bulletin de vote, où et comment donc vont-ils s’exprimer? Autour des ronds-points, dans la rue, sur les réseaux sociaux ou dans le darknet? La démocratie représentative n’est pas qu’un concept. Combinée aux éléments essentiels de la démocratie directe, c’est aussi un des moins mauvais systèmes de cohabitation humaine connus à ce jour. Il suffit de suivre l’actualité internationale pour s’en convaincre.