En avant pour les élections européennes 2014!
opinions
Conscient que l’Union européenne est la cible d’attaques toujours plus virulentes, Jacques Delors tente de convaincre de la nécessité de l’élargissement de la libre circulation et de l’union économique et monétaire. C’est la seule voie pour réussir dans la compétition mondiale, estime-t-il
Les élections européennes, entre le 22 et le 25 mai 2014, constituent un rendez-vous majeur, à la mesure de la crise multiforme que traverse la construction européenne. Ce grand rendez-vous démocratique doit nous inciter à relever trois défis politiques complémentaires, via des propositions rappelant le sens de l’UE, parachevant la zone euro et alimentant une confrontation partisane ouverte et résolue.
La Grande Europe
Le surcroît d’attention récemment accordé à la crise de la zone euro ne doit pas faire oublier que les prochaines élections européennes concernent la Grande Europe (c’est-à-dire l’Union européenne à 28): c’est à cette échelle-là que nos pays et concitoyens, unis dans la diversité mais désormais réconciliés, doivent écrire les nouvelles pages de leur aventure communautaire.
La Grande Europe, c’est plus que jamais la bonne échelle pour affirmer le rôle accru de l’UE dans la mondialisation, que la plupart de ses peuples souhaite renforcer, bien conscients que l’union fait la force. L’UE s’est déjà dotée de politiques d’élargissement et d’aide extérieure qui seront mises en débat à l’occasion de la prochaine campagne électorale. Il en sera de même de la politique commerciale, en ces temps de négociations transatlantiques, des efforts européens visant à mieux réguler la «finance folle», qu’il faut amplifier, ainsi que des balbutiements de l’UE en matière migratoire. L’engagement diplomatique et militaire des Européens doit enfin être renforcé, au moins dans leur voisinage proche, y compris sur la base de coopérations restreintes.
La Grande Europe, c’est aussi l’horizon pertinent pour poursuivre les efforts engagés en matière de protection de l’environnement et de climat, ainsi que pour encourager les processus de transition énergétique. C’est tout le sens du projet de Communauté européenne de l’énergie que nous promouvons, afin de répondre à des aspirations prioritaires pour les citoyens et les Etats de l’UE (compétitivité de l’industrie, sécurité d’approvisionnement, protection de l’environnement, etc.)
La Grande Europe, c’est enfin le marché unique, qui peut encore être approfondi dans le domaine des services, de l’économie numérique et des grandes infrastructures, afin de créer davantage de croissance et d’emplois; qui doit permettre une libre circulation des travailleurs à la fois plus fluide et mieux encadrée (en particulier en matière de détachement); et qui doit faire l’objet de davantage d’harmonisation sociale et fiscale, afin d’atténuer les tensions entre Ouest et Est ou centre et périphérie.
Union économique et monétaire
La crise a mis en évidence les failles liées au déséquilibre entre union monétaire et union économique, tout en faisait désormais apparaître la zone euro comme le creuset politique d’une intégration accrue, fondée sur des droits et devoirs spécifiques en termes de discipline et de solidarité.
Il convient donc d’abord de poursuivre les actions de solidarité et de contrôle déjà engagées: mise en place d’une véritable union bancaire, fondée sur une supervision européenne des banques, sur une contribution des acteurs financiers à leur propre sauvetage, et sur une réduction des divergences des taux d’intérêt que doivent payer entreprises et ménages; amélioration de la coordination européenne en matière de politiques économiques et sociales des Etats membres, afin de prévenir les excès et les dérives menaçant le fonctionnement de l’union monétaire, via des incitations financières accordées aux Etats membres engageant des réformes; création de mécanismes d’assurance contracyclique sous différentes formes entre Etats de la zone euro; mutualisation partielle de l’émission des dettes nationales face aux risques de crise systémique qui demeurent…
Parachever l’union économique et monétaire, c’est aussi lui donner une dimension sociale spécifique, en s’appuyant sur les partenaires sociaux, par exemple pour mieux organiser la libre circulation des travailleurs ou la prise en charge européenne des victimes des ajustements structurels, au premier chef les jeunes. C’est lui donner des moyens spécifiques de soutenir la croissance via des investissements massifs, tant pour accélérer la sortie de la grave crise économique et sociale actuelle, qui menace sa cohésion et son dynamisme, que pour mettre en place les conditions d’un développement humain écologiquement responsable.
Il faut enfin compléter la gouvernance de la zone euro en réunissant à nouveau sur une base régulière des «sommets de la zone euro», en dotant l’Eurogroupe d’un président à plein-temps, et en permettant aux parlementaires nationaux et européens de mieux exercer leurs pouvoirs de contrôle démocratique, à Bruxelles comme dans les capitales nationales.
Construction européenne
C’est en formulant un double agenda positif au niveau de l’UE et de la zone euro qu’il sera possible de donner tout son sens à la campagne électorale, qui se développera sur deux registres complémentaires.
Il s’agit tout d’abord de réaffirmer sa confiance dans la construction européenne, en valorisant les acquis fondamentaux que sont, par exemple, l’esprit de réconciliation et le principe de libre circulation. Les partis extrémistes entendent faire des prochaines élections une sorte de référendum pour ou contre l’UE ou l’euro, en tirant parti de la dégradation de son image engendrée par la crise et sa gestion. Refaisons inlassablement la preuve de l’Europe, avec résolution et ouverture d’esprit, sur la base d’une vision large des opportunités et menaces géopolitiques auxquelles elle fait face.
Les prochaines élections européennes doivent aussi permettre une confrontation partisane claire entre des approches différentes du fonctionnement, des politiques et de l’avenir de l’UE. Il s’agit de mettre en exergue les divergences qui séparent les conservateurs, les libéraux, les sociaux-démocrates, les écologistes, la gauche radicale et les autres forces politiques, et ainsi de permettre aux électeurs de départager leurs programmes pour l’UE à l’horizon 2020.
Dans cette perspective, il est bienvenu que les forces partisanes européennes soient en passe de désigner leurs candidats à la présidence de la Commission, afin de personnifier les enjeux du débat et du scrutin. C’est aussi parce que les Européens pourront mettre des visages sur les principales orientations de la construction européenne, mais aussi sur les clivages qui structurent la vie politique de l’UE, qu’ils pourront se saisir pleinement du grand rendez-vous démocratique du printemps prochain, en France comme en Europe.
Liste du Comité européen d’orientation:
Martine Aubry, Maire de Lille, ancienne Ministre
Pascale Andréani, Ambassadrice, Représentante permanente de la France auprès de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE)
Enrique Barón-Crespo, ancien Président du Parlement européen, ancien Président du groupe parlementaire des socialistes européens
Erik Belfrage Conseiller auprès du Président de la Fondation Marcus Wallenberg, et du Conseil de l’Institut suédois d’Affaires internationales (SIIA), membre de la Chambre de commerce international et de la Commission Trilatérale.
Pervenche Berès, Députée européenne, Présidente de la Commission Emploi et Affaires sociales du Parlement européen
Yves Bertoncini, Directeur de Notre Europe – Institut Jacques Delors, administrateur de la Commission européenne
Joachim Bitterlich, Vice-Président de Notre Europe – Institut Jacques Delors, Ancien Conseiller du Chancelier Kohl
Josep Borrell, Ancien président de l’Institut Universitaire Européen de Florence et Président du Parlement européen
Jean-Louis Bourlanges, Ancien député européen
Jean Baptiste de Foucauld, Ancien Commissaire au plan, ancien Inspecteur des Finances
Laurent Cohen-Tanugi, Avocat et écrivain
Etienne Davignon, Ministre d’Etat belge, ancien Vice-Président de la Commission européenne
Jacques Delors, Président du CEO, Président fondateur de Notre Europe – Jacques Delors Institute, ancien Président de la Commission européenne
Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d’Etat
Philippe de Schoutheete, Ancien Ambassadeur de la Belgique auprès de l’UE, Directeur du Département Europe à l’institut Egmont
Anna Diamantopoulou, Présidente du Réseau «Diktyo» pour réformes en Grèce et en Europe, ancienne Commissaire européenne et ancienne Ministre grecque
Henrik Enderlein, chercheur associé à Notre Europe – Institut Jacques Delors, professeur d’économie politique à la Hertie School of Governance de Berlin
Jonathan Faull, Directeur général de la direction générale «Marché intérieur et services» de la Commission européenne
Jean-Baptiste de Foucauld, Haut fonctionnaire français, ancien commissaire au plan
Nicole Gnesotto, Vice-Présidente de Notre Europe – Institut Jacques Delors Professeur titulaire de la Chaire sur l’Union européenne au CNAM,
Elisabeth Guigou, Députée française, Présidente de la Commission des Affaires étrangères, ancienne Ministre française
Klaus Hänsch, Ancien Président du Parlement européen
Philippe Lagayette, Président de la Fondation de France, Vice-président et Senior Advisor de la banque Barclay Capital
Pascal Lamy, Président d’honneur de Notre Europe – Institut Jacques Delors, ancien Directeur général de l’OMC
Jean Lapeyre, ancien syndicaliste
Eneko Landaburu, Ancien Ambassadeur, Chef de la Délégation de l’Union européenne auprès du Royaume du Maroc
Pierre Lepetit, Vice-Président de Notre Europe-Institut Jacques Delors, Inspecteur général des finances
Paavo Lipponen, Ancien Premier ministre de la Finlande
Florence Mangin, Directrice des relations institutionnelles et de la Coopération européenne et internationale, Caisse des Dépôts
Vitor Martins, Conseiller pour les affaires européennes du Président de la République portugaise, ancien Ministre portugais
Riccardo Perissich, Ancien Directeur général pour l’Industrie à la Commission européenne, Vice-Président exécutif de la représentation italienne du Conseil des Etats-Unis et de l’Italie
Julian Priestley, Ancien Secrétaire général du Parlement européen
Maria João Rodrigues, Conseillère pour les politiques économiques et sociales auprès de la Commission européenne, professeur à l’Université de Lisbonne, ancienne Ministre portugaise
Artur Santos Silva, Président de la Fondation Calouste Gulbenkian
Pedro Solbes, Président de la Fundación para las Relaciones Internacionales y el Diálogo Exterior (FRIDE), ancien Ministre espagnol, ancien Commissaire européen
Antoinette Spaak, Ministre d’Etat belge, ancienne Députée européenne
Daniela Schwarzer Directrice du département recherches sur l’intégration européenne, Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP)
Christian Stoffaës, Professeur associé à l’Université Paris IX-Dauphine, Membre du conseil d’administration du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)
António Vitorino, Président de Notre Europe – Institut Jacques Delors, Avocat, ancien Commissaire européen, ancien Ministre portugais
Frank Vandenbroucke, Professeur, Université catholique de Louvain, ancien Ministre belge des Affaires sociales
Christine Verger, Directrice des relations avec les parlements nationaux à la Direction générale de la Présidence du Parlement européen, ancienne secrétaire générale de Notre Europe
Ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors cosigne cet article avec Antonio Vitorino et les participants du Comité européen d’orientation de l’Institut Notre Europe (lire la liste sur notre site)
La Grande Europe, c’est plus que jamaisla bonne échelle pour affirmer le rôle accru de l’UE dansla mondialisation
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