Il n’était pas là, mais son nom n’a cessé de bruisser tout au long de la cérémonie. Dimanche soir, Donald Trump s’est imposé, malgré lui, en invité d’honneur des Emmy Awards 2017. Big Little Lies, SNL, La Servante écarlate ou encore Veep: la grand-messe des séries télévisées américaines a consacré un palmarès politique, féministe et engagé en faveur des communautés LGBT. L’occasion pour les acteurs et les présentateurs de dénoncer les travers de l’Amérique à la mode du président.

«Tout est mieux à la télé […] quand le monde est effrayant»: la ritournelle entonnée sur un air de music-hall par le présentateur et humoriste Stephen Colbert donne le ton. Cette Amérique violente, intolérante, sexiste, qui se déchire sur ses symboles et veut ériger des murs, les comédiens n’en veulent pas. Sur un ton tour à tour léger ou accusateur, ils ont multiplié les adresses à l’intention du président américain.

«Noirs numéros 1 des opprimés»

Sacré «meilleur acteur comique» et «meilleur réalisateur» pour sa prestation dans la série Atlanta, Donald Glover s’est exclamé au moment de recevoir son prix: «Je voudrais remercier Donald Trump d’avoir fait des Noirs la tête de liste des opprimés. Il est probablement la raison pour laquelle je suis ici!» A 33 ans, l’acteur californien est le premier Noir à remporter une telle distinction.

Résolument tournée vers les minorités, cette 69e édition a également primé l’actrice queer et noire américaine Lena Waithe. «A toute ma famille LGBT, les choses qui nous rendent différents sont des super-pouvoirs. Le monde ne serait pas aussi beau si nous n’en faisions pas partie», a-t-elle déclaré. Doyenne de l’édition à presque 80 ans, Jane Fonda n’a pas reçu de trophée, mais a tout de même tenu à donner son avis: «Nous refusons d’être contrôlés par un bigot sexiste, égocentrique, menteur et hypocrite.»

Comble du cocasse, Alec Baldwin a été primé pour son imitation de Donald Trump dans l’émission «Saturday Night Live». Une petite revanche quand on sait tout le mal que le président pensait de sa prestation. «Il est temps de supprimer cette émission ennuyeuse et non amusante. Le portrait fait (de moi) par Alec Baldwin est pourri», avait-il tweeté fin 2016. Sans oublier que lui-même avait tenté à deux reprises de remporter la mise avec son émission «The Apprentice». A cet instant, le spectre de Donald Trump était prégnant.

Mea culpa de Sean Spicer

Le président s’est littéralement incarné lorsque Sean Spicer, porte-parole démissionnaire de la Maison-Blanche, a déboulé sur scène devant une foule ébahie. Invité par le maître de cérémonie Stephen Colbert pour commenter l’audience du jour, il a parodié ses propos prononcés à l’occasion de l’investiture de Donald Trump, la «plus grande de l’histoire» comme il l’avait alors qualifiée à tort. Sourire aux lèvres, Sean Spicer a récidivé: «Les Emmy Awards n’ont jamais eu une aussi grande audience. Point final.» Un mea culpa qui a beaucoup fait rire, mais n’a pas tout à fait convaincu les internautes.

«C’est simplement malheureux»

La rhétorique anti-Trump n’a bien sûr pas été du goût de sa conseillère en communication Kellyanne Conway: «En agissant ainsi, vous aliénez les quelque 63 millions de citoyens qui ont voté pour Donald Trump et tous ceux qui veulent que le président réussisse. C’est simplement malheureux.» Sur Twitter, @femijr renchérit: «Les #EmmyAwards ont été une grande soirée pour Trump qui a dominé l’entier du show. #Trump2020, la victoire sera encore plus facile.»

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Depuis l’élection du tribun républicain, les rendez-vous hollywoodiens se sont régulièrement transformés en tribunes politiques. En janvier dernier, lors des Golden Globes, l’actrice Meryl Streep s’était fendue d’une déclaration acérée: «Vous tous dans cette salle appartenez aux segments les plus diabolisés de la société américaine en ce moment. Hollywood croule sous les gens venus d’ailleurs et les étrangers. Si vous les mettez tous dehors, vous n’aurez plus rien à regarder que du football américain et des arts martiaux mixtes, qui ne sont pas de l’art.»

Plus que jamais cette année, les séries télévisées sont-elles le miroir de la société?

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