Vous connaissez bien sûr les sites de location de meublés en ligne. Peut-être même avez-vous déjà réservé votre appartement à 1500 euros la semaine à Barcelone, Québec ou Lisbonne. Et bien, profitez-en, ce marché en pleine croissance pourrait être freiné net, sur le modèle allemand. Berlin, devenu une des destinations touristiques les plus courues en Europe, interdira dès le 1er mai la location d’hébergement de type Airbnb. Sur les 24 000 logements réservés aux touristes, 16 000 se feraient via cette plateforme.

100 000 euros d’amende

L’objectif de la municipalité est d’enrayer la pénurie de logements, de rendre la ville aux Berlinois, de freiner la cupidité des investisseurs, voire des locataires eux-mêmes qui sous-louent leurs biens en les surévaluant, et ainsi de mettre un terme à la flambée des loyers.

Il sera néanmoins toujours possible pour les propriétaires de louer une chambre à l’intérieur du logement qu’ils occupent et ceux qui souhaiteraient transformer leur bien en location touristique devront passer par une demande d’autorisation officielle. Les contrevenants encourent des amendes pouvant s’élever à 100 000 euros. Les vacanciers en revanche ne sont pas concernés.

A propos d'une autre polémique, lire: La fronde de San Francisco contre Airbnb

Délation ou sens civique?

Pour appliquer cette mesure, il faudrait une armada de contrôleurs. Berlin n’en a pas les moyens. Alors pour accompagner ce nouveau règlement, la municipalité mise sur la collaboration des voisins envieux ou excédés par les comportements des occupants irrespectueux. La mairie a pensé à tout. Elle vient de mettre en ligne un formulaire que le voisin lésé n’a qu’à remplir. Ce système choque un certain nombre d’internautes français qui hurlent à la délation, tandis que les Allemands y voient un acte de civisme.

L’interdiction elle-même divise. Pour les plus libéraux, cette décision prouve que l’Allemagne n’a rien compris à la révolution de l’économie numérique - Berlin a aussi interdit les taxis Uber. En revanche, les résidants de grandes villes y voient une mesure nécessaire pour que cesse la bulle immobilière qui assèche le marché locatif et repousse les habitants qui travaillent en centre-ville à vivre en périphérie.

Prendre le risque de perdre de nombreux touristes

Evidemment les usagers, comme les loueurs, se plaignent de cette nouvelle loi jugée contre-productrice. Comme l’écrit ce tweeto: «#Berlin n’a pas compris qu’en interdisant @Airbnb ils nous forcent juste à visiter 1 autre ville… Et il y a de quoi faire!» D’autres enfin, plus nuancés, estiment que la venue des plateformes numériques a eu un effet stimulant sur l’hôtellerie classique, obligée à redevenir concurrentielle, mais qu’elles ne sauraient se substituer à elle sans créer de nouveaux excès.

La Suisse aussi est concernée

Toutes les régions du monde, du moins les plus attractives, sont confrontées à la prolifération de ce type de locations. Paris, qui compte entre 25 000 et 30 000 logements transformés en meublés pour touristes à plein-temps, s’est engagé dans une chasse à la fraude tandis que New York a retiré 2000 logements du site Airbnb. La Suisse n’est pas épargnée par le phénomène. Selon des chiffres publiés en avril, l’offre Airbnb représente désormais 25% des lits de l’hôtellerie suisse, soit 55 000 au mois de mars.

Légal à condition…

Amsterdam a adopté une autre stratégie: à la fois plus libérale et plus restrictive. Depuis 2014, il est légal d’y louer son appartement, que l’on soit locataire ou propriétaire, à condition que les vacanciers paient leur taxe de séjour et que les loueurs déclarent leur revenu supplémentaire. Le nombre de locataires est limité et le bien ne peut pas être loué plus de deux mois dans l’année. Ingénieusement, Amsterdam a baptisé sa stratégie «Airbnb friendly.»

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