La volonté du gouvernement français de réhabiliter les négociations sociales au niveau des entreprises, de simplifier le Code du travail et de permettre dès 2016 l’aménagement des 35 heures prouve un réalisme bienvenu. Comme l’avait démontré la défiscalisation des heures supplémentaires sous Nicolas Sarkozy, employeurs et employés tombent plus facilement d’accord lorsqu’ils ne sont pas happés par les surenchères nationales entre syndicats et patronat.

Les promesses ne correspondent plus aux réalités.

Miser sur la décentralisation du dialogue social pour le rendre effectif dans un Hexagone miné par le manque de confiance entre les acteurs est en revanche cynique. Les enquêtes démontrent que les patrons français, surtout ceux des PME, n’attendent pas en priorité des pouvoirs publics qu’ils leur abandonnent le terrain social, mais qu’ils clarifient leurs réformes, allègent les procédures et réduisent la pression fiscale. Les observateurs font par ailleurs remarquer qu’une atomisation des négociations, entreprise par entreprise, risque de buter sur le très faible taux de syndicalisation (environ 5%) dans le secteur privé. Qui négociera dès lors au nom des employés? Que se passera-t-il si une partie du personnel, comme on vient de le voir après le succès du référendum sur les 39 heures organisé en septembre à l’usine Smart de Hambach (Meurthe-et-Moselle), refuse ensuite d’accepter le verdict de la majorité? Quid des risques d’éruption de violence entre direction contestée et syndicats jusqu’au-boutistes, comme on l’a vu à Air France?

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Même si de nombreuses entreprises seront sans doute ravies de s’engouffrer dans cette brèche sociale, la méthode Hollande-Valls manque de courage politique. Ce courage, dans une France où la croissance reste largement insuffisante pour faire reculer le chômage, serait au contraire de reconnaître que les promesses d’hier ne correspondent plus aux réalités d’aujourd’hui, et que le fait de «travailler moins pour gagner moins» – le passage aux 35 heures ayant, de fait, entraîné un blocage durable des salaires – a abouti à une impasse. Ce courage serait aussi de soutenir les syndicats favorables au changement, comme la CFDT, face à la CGT pro-communiste, arc-boutée sur les avantages acquis. Accorder aux entreprises une liberté sociale sous surveillance est loin d’être une réforme suffisante.

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