Amphithéâtres occupés, cours suspendus, manifestations: depuis plusieurs jours, le milieu universitaire français se mobilise contre la réforme de l’accès aux études supérieures dite Parcoursup. Une dizaine d’universités sur les quelque 70 que compte la France sont touchées, dont celles de Nantes, Toulouse, Grenoble, Montpellier, Tours, mais aussi la Faculté des lettres de la Sorbonne et Paris Tolbiac. A un mois des partiels, les étudiants grévistes revendiquent la note d’au moins 10 sur 20 aux examens pour compenser les cours manqués. En toile de fond, le mirage de Mai 68 et la fameuse convergence des luttes dont rêve Philippe Martinez, le patron de la CGT.

Bête noire des jeunes grévistes: la loi «Orientation et réussite des étudiants», accusée d’introduire une sélection déguisée et des prérequis variables pour intégrer les universités, et de renforcer ainsi les inégalités. Frédérique Vidal, ministre de l’Education porteuse de la réforme, dénonce pour sa part une campagne de désinformation. «La compensation des notes et la possibilité de redoubler» demeure, a-t-elle affirmé sur Twitter, tout en précisant que les examens auront lieu comme prévu.

Violences et dégradations

Majoritairement pacifique, la mobilisation estudiantine a aussi connu des débordements. A Nantes et à Grenoble, les locaux administratifs abritant les présidences d’université ont été endommagés mardi. Portes et vitres cassées, faux plafonds effondrés et murs tagués: de nombreux dégâts matériels sont constatés, auxquels s’ajoutent des échauffourées entre des étudiants et des hommes cagoulés à Montpellier le 22 mars. Une «violence inacceptable» pour la ministre Frédérique Vidal.

Sur Twitter, le soutien au mouvement fluctue. «L’Etat n’y va pas? Les étudiants y vont! Bravo aux étudiants! Maintenant il faut faire de même dans toutes les universités bloquées!» s’exclame @C_TripletFN.

Outre les étudiants, les professeurs aussi se mobilisent, eux qui, selon la nouvelle réforme, devront examiner les vœux d’orientation des étudiants: «#Parcoursup: Si c’était seulement inutile et chronophage… Mais ça nous casse. Ça nous éloigne de nos missions et ça nous dégoûte. Et on n’a vraiment pas besoin de ça», se désole @JulienGossa, enseignant à l’Université de Strasbourg.

Il y a cinquante ans…

Alors que la contestation grandit, la perspective d’un printemps agité se dessine. «Les intellectuels reprennent la place qui est la leur. Ça commence à sentir bon Mai 68 tout ça! #Lordon #Friot», lance @MuccioKm, en référence au philosophe Frédéric Lordon, venu soutenir le mouvement estudiantin à l’Université Paris Tolbiac. Il y a presque exactement cinquante ans, le malaise étudiant né à Nanterre se généralisait à la France entière et gagnait la rue pour aboutir à la plus grosse crise sociale de la Ve République:

Mais, comme pour la grève de la SNCF, certains internautes condamnent une prise en otage. «Tout citoyen français possède le droit de manifester; mais pas le droit de bloquer, de dégrader et d’interdire l’apprentissage de chacun», estime @jalabertlukas. «A #Lille2 nous sommes 9000 étudiants. Ils ne sont que 50 à faire le blocus. Ils se disent démocratiques avec leurs «votes» en «AG étudiante». Et si on y allait, tous, et que l’on votait pour la réouverture de la fac?» suggère @T_Vanhoutte.

Pour d’autres, c’est l’instrumentalisation politique qui écœure. «Etudiants de France, ne laissez pas des groupuscules d’extrême gauche aux ordres d’un politicien professionnel qui était déjà ex-ministre que vous n’étiez même pas nés, vous voler votre diplôme et mettre à néant tous vos efforts et votre argent, pour assouvir son aigreur! #RendsLaFac» renchérit @Hlodowig_, visiblement très remonté contre Jean-Luc Mélenchon.

Alors que les étudiants doivent encore affronter l’épreuve de la rue, une «manifestation nationale» est prévue à Montpellier, le 14 avril.

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