La mort est inéluctable. Le savoir permet rarement de s’y préparer, d’autant plus lorsqu’elle survient brutalement. En se promenant dans les rues de Boncourt, on comprend aisément le choc et la tristesse de ses habitants. Sans préavis, ils ont appris jeudi dernier que l’usine de tabac qui fait vivre leur village depuis plus de deux cents ans pourrait s’éteindre à jamais. Ils s’y attendaient, bien sûr, mais pas si vite, et surtout pas comme ça.

Signe que le deuil était prévisible – les difficultés de l’industrie du tabac ne sont un secret pour personne et l’on peut déplorer ici un certain attentisme –, le déni a cédé place à la colère. British American Tobacco se voit affublée du rôle de bourreau, dans une exécution sommaire et dénuée de sentiment. Si la multinationale n’a pas encore formellement pris la décision de délocaliser ses activités à l’étranger, un sauvetage total relèverait du deus ex machina.

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Derrière les Boncourtois, toute la famille jurassienne s’unit pour la troisième étape: la négociation. Politiques, syndicats, organisations économiques et même particuliers fourbissent leurs armes pour tenter de maintenir sous perfusion cette vieille dame au porte-monnaie fourni, mais qui ne laissera probablement en guise d’héritage que de vastes bâtiments vides et un plan social que d’aucuns espèrent exemplaire.

Devenir un symbole de reconversion réussie

Viendra ensuite la dépression. Celle des 220 employés menacés de chômage et des collectivités publiques qui verraient s’évaporer des millions de francs d’impôts. Boncourt s’attend à perdre la moitié de son budget annuel. Sur le plan cantonal, le montant pourrait atteindre près de 10 millions. Un coup dur pour le Jura, qui vient d’adopter un plan d’économie de 34 millions sur quatre ans.

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Et finalement l’acceptation. Certes, le Jura risque de perdre un fleuron industriel historique. Mais il a bien d’autres atouts à mettre en avant qu’une usine qui, malgré tout ce qu’elle a pu lui apporter, gagne de l’argent au détriment de la santé de ses clients. Il a ses paysages, son terroir, son savoir-faire microtechnique de pointe et sa capacité d’innovation.

Plus que des emplois, les Jurassiens ont une réputation à défendre: celle d’un peuple qui se bat à l’unisson pour son canton. Ils ont l’opportunité d’en faire une fois de plus la démonstration, sous l’œil observateur de tout un pays. Ce que vit Boncourt aujourd’hui se produira sans doute un jour à Neuchâtel ou Dargmersellen (LU), avec Philip Morris et Japan Tobacco International. Dans cette perspective, tous les exemples de reconversion réussie seront bons à prendre.