«J’ai 10 ans. Je sais que c’est pas vrai, mais j’ai 10 ans», chantait un autre enfant prodigue, notre friend Souchon, que je like mais que je like, et que cite pour l’occasion Le Monde. Il fallait bien commencer par quelque part. Le sujet est tellement bateau! Comment l’aborder? Comment ne pas passer pour le dernier des «ringues» en essayant d’éviter les formules du type «comment FB a tourneboulé la galaxie»? Le mieux est encore d’essayer d’être drôle. Distance! distance! Deuxième degré, coco, voire davantage, n’hésite pas! Donc on va essayer, s’est dit Le Nouvel Observateur, qui publie une lettre à son meilleur pote. Elle commence ainsi, et ensuite elle dit tout:

«Cher Facebook,

Je t’adresse mes meilleurs vœux pour ton anniversaire. On se tutoie, n’est-ce pas? On se connaît bien maintenant, on se fréquente presque tous les jours. 10 ans! Tu as donc 10 ans. Ben dis donc, ça passe! Tu te souviens de notre première rencontre? Ce n’était pas il y a 10 ans mais en 2007. C’est mon cousin vivant en Afrique du Sud qui m’a parlé de toi en me disant: «Regarde ça, c’est très bien mais je te préviens, c’est addictif.» Il avait raison. Tu étais très jeune alors, et peu connu en France. Les seuls Français qui te fréquentaient étaient de jeunes adultes parisiens de droite. Tu sais, ceux qui sont bien coiffés et qui portent un pull de couleur sur les épaules.» Le reste à l’avenant.

Et si FB mourait?

Encore du comique? Sur son écran d’ordinateur, il a deux amies: les ci-devant J. et S. Et une troisième, V., qu’il tente vainement de supprimer, tout en regardant son flan caramel avec affection. Avec sa verve habituelle, le caricaturiste Burki a choisi, lui, le président Hollande pour illustrer le sujet qui fait ce mardi matin la «une» de 24 heures et de la Tribune de Genève: de Facebook, le dixième anniversaire. «Une éternité à l’ère du buzz», juge La Dernière Heure belge.

La Julie y consacre également son éditorial, en énumérant les chiffres de FB, les phases du déclin annoncé de FB et les concurrents de FB, tout en constatant que le réseau social «s’est emparé de nos relations amicales, professionnelles et même inconnues. Mais aussi, et surtout, de nos liens avec les entreprises et l’actualité.» Avant de se trouver coite devant la conclusion inévitable, vertigineuse, qui s’ouvre comme un gouffre insondable: «Sans être impossible, sa mort aurait des conséquences sociales et commerciales difficilement imaginables à court terme.»

Verdict sans appel

Bon. Mais comme le malade imaginé bouge encore bien, Le Huffington Post pose la bonne question: «Stop ou encore?» Et de citer, le petit malin, cet outil qu’a mis en place Time Magazine «qui, en se connectant à votre compte, calcule combien de temps vous avez perdu sur Facebook. Le verdict est sans appel»: Chris Wilson, depuis octobre 2007, a perdu 27 jours, 1 heure et 36 minutes! Bon, ça va encore, non?

(Parenthèse non drôle.) «Mais ce n’est rien au regard des pratiques des adolescents», paraît-il. «Facebook ne fait pas qu’accaparer du temps de cerveau disponible. La pratique n’est pas seulement chronophage, elle est parfois violente et même fatale. Et la responsabilité du réseau pose question après le suicide de plusieurs adolescents, de par le monde, victimes de chantage et de harcèlements de «leurs amis».

Phénomène en déclin?

(Parenthèse sociologique.) Alors Facebook, institution ou phénomène en déclin? Pierre Mercklé, sociologue, maître de conférences à l’Ecole normale supérieure de Lyon, a répondu aux questions de Radio France internationale. «Pour employer des mots à la mode, dit-il, on pourrait parler de ralentissement de la croissance ou de baisse de la croissance exponentielle. Mais bon, on parle toujours d’une croissance, c’est très clair. La seule chose, quand on regarde les courbes d’augmentation du nombre d’utilisateurs, on remarque simplement que le nombre d’utilisateurs croît un petit peu moins vite qu’avant.»

(Parenthèse de stratégie économique.) De toute manière, «Facebook veut encore grandir», titrent Les Echos: «Désormais, le credo de la société californienne est de donner davantage de place aux contenus professionnels (créés notamment par les médias), censés susciter plus d’interactions à long terme. Une manière d’accompagner une audience qui, elle aussi, deviendrait plus mature. Le produit pourrait se scinder en différents services et applications.» (Fin des parenthèses de type «bonne conscience».)

Remontez votre historique!

Plus mature? Pour le vérifier, «il est temps de remonter votre historique Facebook, d’ouvrir le carton numérique et de jeter un œil parfois amusé à votre premier statut publié, ce site faisant aujourd’hui partie intégrale de votre vie 2.0.» Alors justement, «les journalistes de L’Express ont fouillé dans leurs archives. Très souvent, la surprise est au rendez-vous: un statut timide, un post sans intérêt, un statut au contraire très philosophe, une photo loufoque, ou alors le message d’un autre sur le mur de l’utilisateur…»

Comment faire? «Cela prend peu de temps: cliquez sur votre timeline, puis sur la première année et ensuite sur «toutes les histoires», vous retomberez alors sur votre tout premier statut, pour le meilleur… ou pour le pire! Une introspective numérique salutaire, histoire de se comporter de manière un peu plus conciliante avec les nouveaux arrivants, car on est tous passés par là…» Par la case «jeune et bête».

Jamais, rien ne sera plus pareil

Dans le même genre, Terrafemina vous propose «10 trucs qui prouvent que vous êtes un vieux de la vieille». Par exemple? «Vous avez encore la version US.» Même si cela fait longtemps que vous avez enfin compris «que, jamais, rien ne serait plus pareil. Frileux tout d’abord, nous nous sommes pris au jeu jusqu’à faire de ce gadget initial un indispensable à notre (dés) équilibre. Aujourd’hui, si se séparer dans la vraie vie signifie également se défriender sur Facebook, accoucher, poster la bouille de son enfant sur le réseau ou changer de photo de profil.»

Mais «il en était tout autrement au temps des pionniers», grands dieux, au temps de ces «vieux de la vieille de 2006», donc. Ceux qui en savent un bout sur la chose. Ou plus grand-chose, justement. C’est le grand paradoxe virtuel: rester coincé quelque part. Vous en faites donc partie si «vous dites encore «j’ai changé mon status» (prononcé «statusse»), «défriendé» ou «event» (dans «Ah non je n’ai pas reçu ton invite. C’est un nivènte?»). Normal, en 2006, lorsque vous vous êtes inscrit, la version française n’existait pas. Elle n’est apparue qu’en 2008. Réfractaire au changement comme tous les vieux, vous avez préféré rester sur l’ancienne version quitte à ne pas tout comprendre.»

«J’aime beaucoup aller sur Internet»

Encore dans le même genre, le site du magazine Elle publie aussi un très amusant article. Souvenez-vous, en 2006… lorsque l’annuaire estudiantin est sorti de Harvard. Le monde découvre alors Facebook. «Souvenez-vous, la création de votre profil.» Ah, la création de MON profil! «Choisir une belle photo parmi une sélection de vos deux cents dernières photos de vacances, remplir tous les champs, indiquer toutes vos infos, comme toutes les écoles que l’on a fréquentées – qui cela intéresse? – ses passe-temps – «j’aime beaucoup aller sur Internet» – et surtout, son statut amoureux – ou comment avoir les boules en voyant que son ex est marié.»

Les profils créés, les posts likés, les boules eues, Facebook, on ne se moque pas: c’est aujourd’hui plus d’un milliard «de potes consentants», selon le titre de La Libre Belgique, qu’on adore. «Jeunes mais pas idiots», précise-t-elle: «Certes, les jeunes utilisateurs ont tendance à papillonner et à tester d’autres réseaux en ligne. Mais est-on vraiment sûr des chiffres avancés? Il faut savoir que pour accéder à Facebook, il faut avoir 13 ans au moins mais que bon nombre de gamins malins ont tout simplement rentré dans le formulaire un âge fictif, il y a dix ans déjà. Ce qui leur fait aujourd’hui toujours moins de 20 ans.»

Et Mark Zuckerberg qui est, dit-on, «un type assez malin», serait «tout à fait capable de gérer cela sur le long terme avec sa petite équipe de génies». D’ailleurs, il avait «une envie féroce de «dominer» le monde», écrit le journal du même nom. Aujourd’hui, c’est toujours la même chose, mais on appelle cela du retour sur investissement.

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.