Enfants «instrumentalisés»
Le journaliste a-t-il simplement fait son travail de vérification ou s’agit-il d’une atteinte à la vie privée? Sur Facebook, le débat fait rage. «Si l’homme politique a commis une erreur d’appréciation, cela ne concerne que lui, mêler sa famille et ses enfants est en revanche ignoble», estime un internaute. «Je ne vois pas bien ce que cette information apporterait à l’affaire si le DIP avait répondu, renchérit un autre. Par contre je vois le préjudice qu’auraient subi les enfants…»
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Certains volent toutefois au secours de la presse. «C’est quand même incroyable que les gens se plaignent du travail d’un journaliste pour découvrir la vérité», s’exclame un usager. «Pour recentrer le débat, je rappelle juste que c’est bien Mme Maudet qui instrumentalise ses propres enfants en publiant ce mail dont elle n’est pas destinataire…» souligne une autre.
Demande inédite
Face au tollé, le DIP rappelle les règles en vigueur. «Nous agissons au cas par cas mais ne divulguons jamais d’informations nous-mêmes», explique le porte-parole Pierre-Antoine Preti, précisant que la demande est inédite. «Dans le cas précis, le fait que le principal intéressé soit un conseiller d’Etat nous a autorisés à transférer la demande au département concerné. En revanche, le DIP n’est pas responsable de son cheminement ensuite, et particulièrement de sa divulgation sur la place publique.»
Nous avions fait connaître notre désaccord lors d’une première mise en ligne mercredi matin. Suite à nos remarques, cette première publication a été retirée. Le post Facebook est alors passé inaperçu. Mais nous ne nous attendions pas à le voir réapparaître vendredi matin
Pierre-Antoine Preti, porte-parole du DIP
A ses yeux, le fait qu’un document de travail interne soit communiqué à l’externe constitue une violation éthique très claire. «Nous avions fait connaître notre désaccord lors d’une première mise en ligne mercredi matin, précise Pierre-Antoine Preti. Suite à nos remarques, cette première publication a été retirée. Le post Facebook est alors passé inaperçu. Mais nous ne nous attendions pas à le voir réapparaître vendredi matin.»
Confiance écornée
Alors que certains dénoncent un lynchage en bonne et due forme ou encore une atteinte à la liberté de la presse, la section genevoise d’Impressum a pris position dans un communiqué: «Cet échange de mails, préliminaire et standard, n’enfreint en rien la Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste. Au contraire, les questions posées s’inscrivent pleinement dans le cahier des charges d’un-e journaliste, à savoir vérifier les informations et chercher la vérité.» Quant à la fuite du courrier électronique, elle est de «nature à gravement écorner la confiance que [la] profession porte aux services de l’Etat».
Acharnement?
La presse est, il est vrai, régulièrement malmenée. Au début de l’affaire Maudet, des voix s’insurgeaient contre un «tribunal médiatique». Elles dénoncent aujourd’hui un «acharnement». En mars dernier, des critiques similaires avaient visé la RTS, accusée de trouver le moindre prétexte pour faire tomber la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta, alors dans la tourmente. La chaîne de télévision publique s’était notamment intéressée aux subventions accordées aux Special Olympics Switzerland, vice-présidés par le mari de la magistrate.
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Fondamentale ou non, l’information recherchée par le journaliste de la Tribune de Genève n’en demeure pas moins légitime. Pierre Maudet lui-même a longtemps mis en avant le caractère privé et familial du voyage avant de nuancer. La ligne de défense à l’origine du mensonge orchestré visait précisément, disait-il, à préserver ses proches. Or, sans l’intervention de son épouse, le sujet des enfants n’aurait jamais été discuté sur la Toile. Buzz orchestré ou erreur de communication? Entre privé et public, le couple Maudet a visiblement du mal à trancher.