Il faut assouplir le droit du travail pour l’adapter à l’ère numérique
Opinion
Il s’agit de transformer un texte taillé pour le secteur industriel, en une loi moderne tournée vers l’avenir, soutient Guillaume Barazzone, conseiller national PDC genevois, membre de la commission de l’économie et des redevances où ces questions sont débattues actuellement

Avec un taux de chômage moyen annuel de 3,3 pour cent en 2016, la Suisse fait figure d’exception parmi les pays européens, confrontés, pour la plupart d’entre eux, à un chômage élevé et persistant. La primauté du partenariat social, le rôle subsidiaire de l’Etat, la souplesse de la législation sur le travail, qui prévoit des règles minimales en matière de fixation des salaires et de licenciement, sont au cœur de cette réussite.
Une loi désuète à l’ère numérique
Or la flexibilité de notre marché du travail repose sur une loi ancienne: la Loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce de 1964 (LTr). Une loi qui apparaît aujourd’hui désuète au vu des profondes mutations que connaît le marché du travail. L’automatisation des emplois, l’essor des plateformes numériques, l’apparition de nouvelles formes de travail, l’accroissement du temps partiel appellent une modernisation de la LTr.
Cette exigence est particulièrement aiguë en matière d’enregistrement du temps de travail. Timbrer au travail apparaît, dans certaines branches, comme un anachronisme dans le monde professionnel du XXI siècle, où certaines tâches ne se laissent pas enfermer dans des horaires stricts et où les salariés eux-mêmes demandent davantage de flexibilité.
Cette question est actuellement débattue au parlement: une initiative parlementaire déposée en mars 2016 demande de libérer le personnel dirigeant et les spécialistes de l’obligation de saisir le temps de travail. Un assouplissement qui doit être salué car cette dérogation aux règles qui encadrent l’enregistrement du temps de travail est limitée aux cadres des entreprises et ne porte nullement atteinte à la santé des salariés.
Il faut encourager le télétravail
Un autre domaine où la LTr n’est plus en phase avec le monde du travail actuel est celui du télétravail. La révolution numérique aidant, ce dernier connaît une formidable progression dans notre pays. Une progression qui doit être encouragée car le travail à distance comporte des avantages indéniables: il accroît l’autonomie des employés, améliore la productivité des entreprises et facilite l’intégration des femmes sur le marché de l’emploi. Une progression qui, comme le relève un récent rapport du Conseil fédéral, ne doit pas s’accompagner d’un durcissement de l’arsenal législatif.
La voie à suivre consiste à assouplir les conditions encadrant le télétravail car la LTr ne tient pas suffisamment compte des besoins des télétravailleurs. Il convient en particulier d’actualiser la base légale en matière de durée de travail, de repos quotidien et de travail dominical, pour les travailleurs qui peuvent fixer eux-mêmes leurs horaires. Cette intervention suscite d’ores et déjà l’ire des syndicats. Qu’ils se rassurent: les modifications proposées ne remettent pas en cause les dispositions sur la protection des travailleurs contenues dans la LTr.
On le voit, le défi à relever est particulièrement ambitieux: transformer la LTr, taillée pour le secteur industriel, en une loi moderne tournée vers l’avenir. Il faut assouplir certaines de ses dispositions, de manière à préserver la flexibilité de notre marché du travail – pilier de notre modèle à succès –, sans pour autant affaiblir la protection de la sécurité et de la santé au travail.
Guillaume Barazzone, conseiller national PDC genevois, membre de la commission de l’économie et des redevances.
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