Editorial
Les restrictions de plus en plus sévères imposées aux photographes de musique ne permettent plus à ces acteurs fondamentaux de la mémoire culturelle en Suisse de faire leur travail

Editorial
Dans les festivals, la photo de presse menacée
On pourrait croire que la photographie de presse ne mérite d’être défendue que lorsqu’il s’agit d’enquêtes dangereuses ou de champs de bataille. Mais cet été, au Montreux Jazz et à Paléo, les restrictions de plus en plus sévères imposées aux photographes de musique ne permettent plus à ces acteurs fondamentaux de la mémoire culturelle en Suisse de faire leur travail.
Accès interdit aux agences lors des concerts de Johnny Hallyday ou de Ben Harper, contrats de cession des droits farfelus imposés aux reporters, retouches par logiciel Photoshop sur l’image fournie à la presse après le concert de Lady Gaga et Tony Bennett à Montreux: la volonté de contrôle total de la part des agents des artistes traduit un mépris renouvelé pour la liberté d’informer.
En parallèle, les concerts sont aujourd’hui immortalisés par des milliers de spectateurs munis d’appareils de plus en plus performants – leurs souvenirs étant immédiatement partagés sur les réseaux sociaux. Et cette inflation d’images amateurs rend encore plus dérisoire la mise en cage des professionnels, condamnés souvent à prendre au téléobjectif, à plusieurs dizaines de mètres de distance, un artiste dont le mauvais profil est par ailleurs visible en un clic sur Internet.
L’absurdité de la situation ne se constate pas qu’en Suisse. Mais ce n’est pour l’instant qu’à l’étranger que des démarches concertées s’organisent. En Norvège, les photo-reporters et les médias ont collégialement refusé de signer les contrats exorbitants qui les lient aux producteurs d’artistes. Aux Etats-Unis, la chanteuse Taylor Swift a dû renoncer à ces mêmes clauses de cession des droits après une menace de boycott de ses images. Et un journal de Washington a finalement décidé d’envoyer un dessinateur au concert des Foo Fighters plutôt que signer des accords qui nient les droits d’usage pour les images prises.
Jeudi, au concert de Johnny Hallyday, la menace d’interdire l’accès aux photographes va peut-être changer les choses. Un communiqué de presse incendiaire de la part de l’association de journalistes Impressum a abouti à une ouverture partielle aux photographes professionnels. Mais tout reste à faire. Face à une industrie de la musique affaiblie sur le plan économique et, de ce fait, plus tatillonne que jamais quant aux revenus annexes, les organisateurs de concerts, les médias et les photographes ont un intérêt commun à défendre.
Pouvoir rapporter librement une histoire de la musique.
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