Le secteur financier est largement dominé par les hommes. Selon le cabinet Deloitte, les femmes ne représentent que 22% des hauts dirigeants du secteur (un chiffre qui tombe à 11% pour les fonds spéculatifs et 9% pour le capital-investissement, selon la société de données financières Preqin). Pourtant, dans la finance durable, la majorité des postes de direction sont occupés par des femmes. Le secteur financier suisse ne fait pas exception, puisque c’est aussi le cas dans nombre de grandes banques du pays, comme Credit Suisse, Julius Baer ou Lombard Odier.
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Pour différentes raisons, la finance durable attire bien plus de femmes que d’hommes, ce qui pourrait permettre, par ricochet, de rendre le secteur financier beaucoup plus inclusif dans tous les domaines. La demande en professionnels qualifiés, spécialistes de la finance durable, devrait faciliter l’arrivée des femmes présentant ces compétences.
La réalité est moins reluisante. D’après Capital Monitor, les 25 plus grandes banques ont plus que doublé leur nombre de postes consacrés à l’ESG (environnement, social, gouvernance) ces dix dernières années, mais seules 15% des fonctions d’encadrement sont confiées à des spécialistes de la finance durable. Les institutions financières continuent donc d’accorder plus de poids à l’expérience financière qu’aux compétences en développement durable, ce qui augmente le risque de greenwashing. Sans compter l’immense vivier de talents, dans ce cas largement féminins, dont se privent ces institutions, et qui pourraient rendre les finances plus inclusives et soucieuses de la durabilité.
Un changement systémique s’impose
La COP26 de Glasgow en a encore apporté la preuve: les leaders du secteur financier, public comme privé, chargés de discuter de la transition vers la neutralité carbone sont essentiellement des hommes. Lorsque des femmes accèdent aux postes de responsabilité dans le développement durable et qu’elles alertent sur le risque d’impact washing (les pseudo-vertus durables d’un investissement), elles courent le risque d’être licenciées, comme l’illustre l’exemple récent de Desiree Fixler, ex-responsable du développement durable chez DWS, la plus grosse société de gestion allemande.
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De toute évidence, un changement systémique s’impose. WISF estime avoir un rôle à jouer en bâtissant un environnement propice à ce changement, dont elle constate déjà les effets concrets et le potentiel. De ce point de vue, le fait que l’organisation ait réussi à recruter 600 membres en trois mois, sans aucune publicité, est révélateur du vivier de talents prêts à s’engager. Par des actions comme la Gender Lens Initiative Switzerland et des partenariats tels que UN Global Compact, myclimate, WWF Switzerland et Ashoka, WISF souhaite encourager le secteur financier à gagner en durabilité et en équité.
* Marta Ra et Tauen Kwon sont cofondatrices de Women in Sustainable Finance. Taeun Kwon est également responsable de la recherche sur la finance mixte à l'Université de Zurich.
Traduit de l’anglais par Valeriya Macogon/Fast ForWord