L'idylle entre Swissair et Sabena commence en 1995: la première monte à 49,5% dans la seconde avec une option d'achat pour s'emparer de 85% du capital, l'autre actionnaire étant l'Etat belge. La compagnie suisse vise une expansion tous azimuts, et la Belgique doit lui servir de base avancée pour ses futures acquisitions dans l'espace européen. Quand les choses se gâteront, ce sera aussi la Belgique qui fera figure de partenaire le plus revendicateur.

Durant l'été 2000, SAirGroup recapitalise son allié à hauteur de 1,2 milliard de francs avec notamment l'injection de 400 millions d'argent frais si le personnel adhère à un nouveau plan de restructuration baptisé «Blue Sky». Un an plus tard, Mario Corti a repris en main une compagnie au bord de l'agonie et tente de limiter son engagement à l'extérieur de la Suisse notamment dans Sabena qui a annoncé un demi-milliard de francs de perte. Il propose 465 millions de francs au gouvernement belge pour solde de tout compte, juste après une augmentation de capital où Swissair avait dû mettre 150 millions dans l'affaire. Les Belges se rebiffent et introduisent une action devant la justice pour obtenir que les engagements pris soient respectés.

La stratégie s'avère payante. Mario Corti consent en juillet d'injecter 60% de 650 millions de francs aux côtés du gouvernement belge mais obtient l'annulation de l'obligation de prendre 85% de Sabena. Bruxelles retire ses poursuites. Mais Swissair a ses propres difficultés avec le grounding de la flotte le 2 octobre 2001. La première tranche des 650 millions qui doit être débloquée cette semaine-là pour les Belges n'est pas libérée, et les représentants du gouvernement enclenchent à nouveau les poursuites judiciaires dès qu'il apparaît que les Suisses ne paieront pas. L'Etat belge hésite à porter seul la charge d'un nouvel apport d'argent frais qui serait assimilé à une aide publique par la Commission européenne. Une demande de concordat est acceptée par la justice belge, mais les investisseurs ne viennent pas. Résultat: Swissair entraîne avec elle Sabena, fondée en 1923, dans la faillite en novembre 2001.

La riposte s'organise. Le ministre Rick Daems annonce qu'il veut «taper dur» sur le groupe suisse et tente de regrouper les plaignants portugais, français et allemands contre Swissair. L'Etat et les curateurs de l'ex-Sabena demandent 1,5 milliard de francs à Swissair pour rupture de contrat après que Mario Corti n'a pas tenu ses engagements. En janvier 2002, la commission parlementaire commence ses travaux pour déterminer les responsabilités dans la faillite alors qu'une nouvelle compagnie naît sur ses cendres. Les poursuites suivent leur cours. L'Etat belge et la compagnie en faillite Sabena ont engagé des procédures en Belgique contre SAirGroup et réclament un milliard d'euros en réparation d'erreurs contractuelles. Dans le détail, l'Etat belge demande la condamnation de Swissair à verser 529 millions d'euros à Sabena. Il veut aussi obtenir une indemnisation de 355 millions d'euros. Sabena demande une indemnité de 161,5 millions d'euros pour le non-renouvellement de sa flotte.

En France, la compagnie française Air Lib a assigné en justice des filiales de SAirGroup, notamment Crossair, en 2001. Le Tribunal de commerce de Montpellier a condamné en 2002 Swissair Group et son parton Mario Corti à payer 22 millions de francs à Air Littoral.

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