Lire aussi: Au col de l’Echelle, des jeunes migrants piégés par le froid et renvoyés par la France
Le 9 février, alors qu’ils traversaient la frontière, Beauty et son mari sont arrêtés par les gendarmes. Elle est enceinte de six mois, et peine à respirer. Selon l’ONG italienne Rainbow4Africa ils auraient été déposés en pleine nuit devant la gare de Bardonecchia, du côté italien.
Bébé prématuré
La semaine passée, Beauty est décédée, dans un hôpital à Turin. Son bébé, Israël, né prématurément, ne pesait à sa naissance que 700 grammes. Sur le ventre de son père depuis une semaine, il en aurait déjà pris 200 autres, et les médecins se disent confiants quant à son avenir.
Le drame ne laisse personne indifférent. Selon la presse et les associations italiennes, une information judiciaire a été ouverte à Turin ce samedi. La région transfrontalière vit ce que ses habitants décrivent comme un drame humanitaire. Et des civils s’organisent pour éviter que des accidents ne surviennent dans leurs montagnes. Mais, le nombre de passages augmentant, la pression sur ces bénévoles humanitaires s’accentue. Ils se savent surveillés par les autorités, et certaines mises en garde à vue ont été rapportées.
Secouriste appréhendé
La dernière en date est celle de Benoît Ducos. Le 10 mars, le militant avait porté assistance à un groupe de migrants dont faisait partie une femme enceinte soumise à des contractions. En chemin vers l’hôpital de Briançon, l’homme est arrêté par un contrôle de douane qui retarde la prise en charge de la future mère. Selon les propos du Français relayés par Le Monde, il a été question d’expulser vers l’Italie le père et les deux enfants, avant que les forces de l’ordre ne se ravisent et ne les conduisent au chevet de la mère, qui les réclamait. Une enquête est en cours afin de définir le rôle précis du secouriste.
Déjà, cet incident avait été «celui de trop». A la frontière, sur le col de Montgenèvre, des manifestants dénonçaient une oppression inhumaine et répétaient les slogans «Protégeons les humains, pas les frontières» ou «France, pleure! Ton humanité a foutu le camp». Sur les réseaux, l’indignation n’est plus contenue.
Un Etat aveugle
Le décès de Beauty vient s’ajouter au tableau des tragédies. Sur le Net, certains internautes ont honte. «La France est morte!» s’exclame l’un d’eux, regrettant le manque d’humanité des autorités de l’Hexagone. «La peur de l’«invasion» étrangère aveugle l’Etat et lui fait oublier les fondements de notre République», s’indigne un autre sur Twitter.
C'est l'Italie qui ouvre une enquête, plutôt que la France responsable de cette politique xénophobe. La peur de l'"invasion" étrangère aveugle l'Etat et lui fait oublier les fondements de notre République. Fraternité. https://t.co/1mTiFSWPk9
— Claude COUTAZ (@ClaudeCOUTAZ) 25 mars 2018
Les mêmes commentaires apparaissent sur les réseaux italiens. Toutefois, le témoignage du mari de Beauty, diffusé sur le site de La Repubblica, apporte de l’eau au moulin des récalcitrants aux arrivées de migrants, des deux côtés de la frontière. Le veuf précise que lui seul avait été interdit de territoire français. Son épouse, autorisée, quant à elle, à entrer en France, aurait choisi de rester avec lui en Italie.
Sur la page Facebook de Libération, un lecteur soudain relativise: «Elle a fait cela de son plein gré. Pas la peine de culpabiliser la France.» Son message a été effacé dans l’après-midi.