En 1907, le radical-socialiste français Georges Clemenceau, alors ministre de l’intérieur, créait les fameuses «Brigades du Tigre», avec pour objectif d’adapter la réponse policière aux nouvelles formes de criminalité, ce qui se traduisit immédiatement par des résultats spectaculaires.

Aujourd’hui, c’est à une nouvelle forme de menace que nous devons donner une réponse solide et appropriée.

Les attentats terroristes en Europe ont été perpétrés par des criminels, fanatisés, qui ne craignent pas la mort, voire la recherchent. Ces attentats ont montré qu’ils peuvent frapper simultanément et de manière coordonnée en plusieurs lieux, dans des espaces publics mais aussi dans d’autres lieux parfois déjà sous surveillance (salles de concert, salle de rédaction, stades, écoles, ou places, etc.)

Armes de guerre engagées par les terroristes

Le comportement de l’adversaire, dans les crimes susmentionnés, s’est fortement modifié ces dernières années. Nous nous trouvons aujourd’hui, pour les cas les plus graves, face à des personnes déterminées, préparées et expérimentées. Des personnes qui n’hésitent pas à combattre la police de façon violente voire cruelle au moyen d’armes de guerre de type AK47 (Kalachnikov).

Pour répondre à ces agressions qui n’ont d’autres buts que de frapper les esprits, d’intimider et d’effrayer, il est primordial et urgent de donner à la police les moyens d’agir. Dans le cas du canton de Genève, cela s’est traduit par le vote d’une nouvelle loi organisationnelle sur la police et par l’amélioration de la protection et de l’équipement des policiers. Cette législation vise à accorder les moyens légaux et tout l’équipement indispensables aux forces de l’ordre pour remplir leurs missions.

En France, les règles ont dû évoluer

Souvenons-nous. Depuis les attentats de janvier 2015, la France a dû adapter sa législation. Un projet de loi de révision de sécurité publique déposé en fin d’année dernière a permis de faire évoluer les règles d’emploi des armes en élargissant par exemple la possibilité de faire usage d’une arme à feu dans le cas où des terroristes venant de commettre un attentat sont en cavale et susceptibles de tuer à nouveau, à l’aveugle, dans la rue. Les brigades anticriminalité ont, elles, été dotées de fusils d’assaut HK G36, une arme de guerre qui était jusqu’alors réservée aux unités d’élite. Un président et un gouvernement de gauche n’ont eu d’autres choix que de répondre à l’impérieuse nécessité d’armer les forces de l’ordre pour répondre à une menace réelle et meurtrière et rassurer une population inquiète.

A cet égard, je considère comme nécessaire d’équiper les policiers de fusils d’assaut et de matériels de protection modernes. En décembre 2016, le gouvernement genevois a rappelé que «le territoire abrite de nombreuses organisations internationales ainsi que des institutions impliquées, directement ou indirectement, dans des conflits internationaux, ce qui pourrait faire de la population une cible collatérale d’attentats qui viseraient ces intérêts». Il a souligné également l’importance d’investir sur le renseignement et sur la cohésion sociale qui doit notamment se consolider sur la réaffirmation du principe de laïcité, à la faveur du projet de loi du même nom.

Il faut tirer des leçons

Aujourd’hui, le niveau de vigilance reste élevé et la menace est toujours réelle, insaisissable et profonde. Pour que les forces de l’ordre puissent répondre de manière immédiate à un danger imminent, il faut leur donner non seulement la base légale mais aussi l’équipement et la protection nécessaires. Car il est de notre devoir de tirer des leçons de ces cruelles images de policiers arrivés sur les lieux des attaques terroristes en France, impuissants et démunis, faute de disposer d’un armement suffisant.

Entre les doux rêveurs et les fanatiques de service, il serait simplement irresponsable de refuser d’adapter notre outil sécuritaire aux nouvelles menaces, à l’instar des «Brigades du Tigre» du siècle passé.


Pierre Maudet, conseiller d’Etat genevois chargé du département de la sécurité et de l’économie.

Lire l’avis contraire d’Amanda Gavilanes: «Des fusils d’assaut pour les policiers? Non, ce serait créer une illusion de sécurité accrue».

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