La mondialisation est mise en cause par la pandémie de Covid-19 et par les crises politiques, économiques et financières qu’elle entraîne. Les institutions politiques qui se sont donné pour mission de la gérer se sont mises tardivement en mouvement, ajoutant par là au désarroi général face au virus et renforçant la crise. Le réflexe clanique et territorial l’emporte et les barrières nationales remontent à l’heure où il faut se protéger. Or c’est l’inverse qui devrait s’imposer: sans collaboration internationale, nous n’en sortirons pas.

Renforcer l’OMS

Prenons le G7: les chefs d’Etat des pays qui en sont membres se sont réunis hier seulement, au cours d’un sommet par visioconférence. Pourtant, la santé publique fait l’objet de leurs communes préoccupations depuis plus de vingt ans. En 2016, sous présidence japonaise, les pays les plus industrialisés du monde – Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie et Japon – ont publié une déclaration circonstanciée sur la nécessité de renforcer l’OMS, notamment dans sa lutte contre les virus et pour mieux coordonner l’action des gouvernements en cas de pandémie. Chaque année, le G7 consacre ses travaux à l’un ou l’autre élément des politiques sanitaires. Logiquement, le G7 aurait dû se prononcer au début de la crise, ne serait-ce que pour mettre en commun les analyses et les expériences de ses membres, donner les impulsions et fournir les financements nécessaires à la recherche de médicaments et de vaccin, encourager les bonnes pratiques… Mais la présidence du G7, assumée par les Etats-Unis selon le principe de rotation en vigueur, n’a pris aucune initiative et il a fallu l’insistance d’Emmanuel Macron, qui présidait l’organisme l’an dernier, pour convaincre le président Trump d’organiser enfin la conférence numérique du 16 mars.

Il est vrai que ce dernier a été inférieur à sa tâche depuis que les Etats-Unis ont été touchés à leur tour par le virus. «C’est un canular chinois, une invention démocrate pour me nuire, tout ira bien et le nombre de cas diminue, pas responsable», telles furent ses premières déclarations, comme si Washington faisait écho à Pékin dans le déni de réalité et le mensonge. Trump n’était pas en mesure de concevoir l’ampleur de la crise, la nécessité de s’appuyer sur la communauté scientifique pour le guider et définir les moyens à employer. Sa passivité à l’intérieur, sa méfiance à l’égard du multilatéralisme ne le portaient pas à saisir ses collègues au sein d’un groupe avec lequel il a pris ses distances dès son arrivée à la Maison-Blanche. Pourtant, si les Etats-Unis ne mettent pas à disposition leurs ressources intellectuelles et matérielles et n’assument pas le rôle central que leur confèrent leur poids et leur dynamisme, la communauté internationale s’en trouve paralysée. Les institutions internationales en première ligne – ici l’OMS – sont en manque de fonds.

Les entraves du national-populisme

En apprenant la convocation de ce sommet, l’ancien président de la Banque centrale européenne, M. Jean-Claude Trichet, s’est écrié: et pourquoi pas le G20? Lui faisant écho, l’ancien premier ministre britannique Gordon Brown a rappelé comment il s’était convaincu, dès la faillite de la Banque Lehman à New York en 2008, que seule «une réponse mondiale permettrait de venir à bout d’une crise mondiale». Il ajoute: si l’expertise d’institutions telles que le FMI, en 2008, et l’OMS aujourd’hui est nécessaire, rien ne remplace le sens de la direction des principaux responsables politiques et leur volonté – le courage – de coopérer: pour cela, un forum mondial est indispensable. Mais où est le dialogue entre le représentant de «l’Amérique d’abord», de «la Chine d’abord», «de la Russie d’abord», de «l’Inde d’abord»? Le national-populisme entrave toute velléité de coopération internationale à l’heure même où elle s’avère la plus indispensable. Pourtant, seule la déclaration collective des gouvernements travaillant sérieusement ensemble permettra de restaurer la confiance – le plus puissant des ingrédients – et de maîtriser les conséquences de la crise.


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