Un libre penseur dans la confrérie

Le petit frère de Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans, fut un peu le mouton noir de la famille. Gamal al-Banna (1920-2013) a été théologien et jurisconsulte, mais surtout syndicaliste, engagé très jeune dans la lutte ouvrière et les idées marxistes en Egypte. Toute sa vie, cet érudit inclassable est resté à l’écart de la Confrérie des Frères musulmans, si l’on en croit une interview donnée par Tariq Ramadan – qui n’est autre que son petit-neveu – sur le site SaphirNews.com. Penseur libre et sans reproche, Gamal al-Banna estimait que les Frères s’étaient «embourgeoisés» en s’éloignant de ses idéaux égalitaires à l’origine du mouvement. En Occident, on connaît généralement de lui ses positions très progressistes sur l’interprétation de l’islam: «Le Coran ne dit pas que la femme doit porter le voile, seulement qu’elle doit cacher sa poitrine.» Il critiquait aussi le recours systématique aux hadiths, ces propos attribués au prophète Mahomet: «On ne peut pas se fonder là-dessus pour répondre aux préoccupations d’aujourd’hui; ce ne sont là que des paroles rapportées, dont l’authenticité est souvent contestée et dont la signification est indissociable du contexte historique dans lequel elles ont été écrites au fil des siècles […] [et dont certaines] ont été fabriquées pour servir des intérêts religieux et politiques.» Il prônait aussi une séparation claire entre l’Etat et la religion, ce qui lui a valu, aux dires de Tariq Ramadan, de belles polémiques, chez les Frères comme à l’Université al-Azhar.

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