Chronique
David Hiler reste pessimiste sur le «socialisme de l’espérance» prôné par Benoît Hamon. Notre chroniqueur n’est même pas sûr que ce soit dans l’intérêt de la gauche que le candidat PS parvienne à éviter l’explosion de son parti et à siphonner les voix de Mélenchon

La plupart des pays développés sont en proie aujourd’hui à une crise politique majeure. Elle se traduit par la montée de la droite nationaliste et une recomposition générale de la gauche, devenue minoritaire, dans la plupart des pays européens. Depuis plus de vingt ans, les signes annonciateurs de cette crise étaient perceptibles, mais c’est bien le krach boursier de 2008 et la crise mondiale de 2009 qui l’ont fait éclaté.
Alors qu’on constate un début d’amélioration de la conjoncture économique et de l’emploi, la crise politique atteint son paroxysme. Aux Etats-Unis, Donald Trump tient ses promesses électorales: il s’en prend aux immigrés mexicains et aux musulmans. Il remet clairement en cause le droit à l’avortement et s’engage résolument pour le développement des énergies fossiles. Le seul espoir est que la société civile le fasse plier et/ou qu’une frange suffisante des Républicains ait le courage de le lâcher sur les dossiers essentiels.
Une vaste imposture
En France, la crise politique n’est pas moins sérieuse, mais les dés ne sont pas encore jetés. Plus personne ne peut réellement prétendre prévoir l’issue de l’élection présidentielle. Il y a quelques mois, le discours dominant voulait que le vainqueur de la primaire de la droite soit assuré de gagner la présidentielle. Aujourd’hui, rien n’est moins sûr. Pour autant, je ne suis pas très rassuré.
Le positionnement des «finalistes» de la primaire gauche m’est apparu comme une vaste imposture. Manuel Valls se présentait comme le candidat social-démocrate alors qu’il a incarné une gauche jacobine, centralisatrice et étatique, très éloignée du modèle social-démocrate allemand ou scandinave.
Bilan calamiteux
D’autre part, comment peut-on prétendre incarner la «crédibilité» lorsqu’on a été ministre d’un gouvernement dont le bilan a été calamiteux, quels que soient les critères sur lesquels se fonde le jugement.? Comment oser affirmer être le candidat qui a «une petite chance d’être élu», lorsque l’on a été le Premier ministre d’un président dont l’impopularité a atteint de tels sommets qu’il n’a pu se représenter.
Benoît Hamon a fait des propositions auxquelles je souscris sans hésiter: renforcer l’éducation nationale et la sécurité antérieure, favoriser la transition énergétique ou soutenir l’économie sociale et solidaire. L’introduction du revenu universel qui en réalité ne serait qu’une allocation universelle pour les 18-25 ans, remplaçant les aides actuelles, lui a valu des critiques très dures.
Soupe à la grimace pour le «socialisme de l’espérance»
À mon sens toutefois, le problème est plus général: le «socialisme de l’espérance» risque de finir en soupe à la grimace parce qu’Hamon fait l’impasse sur le financement de son programme. Il ne fait aucune proposition susceptible de dynamiser l’économie française, ce qui permettrait de financer les réformes qu’il préconise.
Bien sûr, le nouveau président profitera certainement de la reprise qui s’affirme en Europe, mais cela ne suffira pas. Le «Demain, on rase gratis» porte en lui les lendemains qui déchantent comme d’ailleurs les mauvaises politiques économiques.
Démagogues de gauche
Je fais partie de ceux qui ont cru en l’Union de la Gauche et en François Mitterrand en 1981. Cela m’a vacciné contre les démagogues de gauche pour une raison simple: depuis lors, quelle que soit la majorité au pouvoir, le nombre de chômeurs a continué à augmenter, celui des SDF a explosé et la situation dans les banlieues s’est irrémédiablement dégradée. Les dirigeants socialistes ont pratiqué avec constance le fameux: «les congrès socialistes se gagnent à gauche, les élections au centre» cher à Mitterrand. Et le Front national a progressé avec une régularité métronomique!
Aujourd’hui tout est encore possible. Benoît Hamon peut accéder au second tour de la présidentielle s’il parvient à éviter l’explosion du parti socialiste et à siphonner les voix de Mélenchon. Franchement, je ne suis vraiment pas sûr qu’il soit dans l’intérêt de la gauche qu’il y parvienne.
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