De passage à Osaka, ils recommandent une maison de saké artisanale, à Madrid la petite échoppe où déguster les meilleurs churros. De retour dans leur ville natale, ils conseillent l’attraction culturelle à ne pas manquer ou, au contraire, le restaurant à éviter. Ils ne sont pas des professionnels du tourisme, mais des «guides locaux» qui alimentent la mine d’informations qu’est devenu Google Maps. Les 150 meilleurs contributeurs seront récompensés lors d’une cérémonie ce mardi à San Francisco.

Une armée de «M. et Mme Tout-le-monde», certifiés selon un système de badges et de points, qui commente, note, poste photos, et maintenant vidéos, en temps réel. Des centaines de milliers de membres répartis dans le monde entier. Grâce à eux, Google Maps ne permet plus seulement de trouver son chemin, mais aussi de dénicher un café sympa ou encore de tester l’indien du coin devant lequel on passe tous les jours. Bref, un guide interactif, accessible en tout temps, qui concurrence sérieusement les traditionnels guides imprimés, mais aussi les géants du secteur tels que TripAdvisor, Yelp, ou encore le premier à se lancer en 2009, Foursquare.

De la pizzeria à la pharmacie 

Exemple sur un pâté de maisons du quartier des Eaux-Vives à Genève: pas moins de 11 lieux commentés, du magasin d’électronique à la pizzeria en passant par la pharmacie, la papeterie et même l’arrêt de bus. «Il n’y a pas assez de jambon sur toute la superficie de la pizza (15% pour être exact). En plus de cela, on ne nous souhaite pas bon appétit en italien», souligne un internaute, 5 étoiles à son actif. «Très bonne pharmacie, très au point avec les produits de soins alternatifs», commente un autre, gratifié de 4 étoiles.

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Encore des données pour Google? Collectées gratuitement qui plus est. «Si j’avais su qu’un jour mes avis me feraient voyager jusqu’en Californie», s'exclame une blogueuse parisienne en lice pour le sésame (divers prix, dont des voyages). Au-delà du rêve américain, la jeune femme qui a rejoint la communauté en 2013 reste lucide: «Il ne faut pas se leurrer, la quantité de données «gratuites» fournies à Google est importante et peut rendre sceptique…»

«Google lui demande son avis» 

Aurelia, elle, ne l’est pas. Entre deux gorgées de pisco sour et une bouchée de ceviche, la Genevoise de 27 ans reçoit une notification sur son téléphone. Le repas n’est pas terminé que Google lui demande déjà son avis sur ce restaurant fusion péruvo-japonais qu’elle teste pour la première fois avec ses copines. Ambiance, service, prix, les questions sont précises. D’un clic, elle distribue une ou deux étoiles. «Au fond, c’est comme le bouche-à-oreille à plus grande échelle, estime-t-elle. Je ne fais que donner mon avis. J’ai moi-même un magasin, c’est le meilleur moyen de se faire connaître et d’augmenter ses vues sur Internet.»

Des filtres contre les faux profils 

A l’avènement de la géolocalisation, le client semble roi, faut-il s’en réjouir? «Ces plates-formes représentent une source de conseils utiles et immédiats, détaille Sophie Michaud Gigon, secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs. Même si le consommateur est parfois perdu face à la masse d’informations. Il faut toutefois garder un esprit critique, les commentaires achetés ou subjectifs, comme les faux profils, existent. Google devrait instaurer davantage de filtres pour garder son crédit.» Quid de la protection des données? «Nous y sommes très vigilants et réfléchissons actuellement à la meilleure manière de sensibiliser le consommateur.»

Economie de partage 

Dérives mises à part, Lucie Gerber, porte-parole de Genève Tourisme, y voit plutôt une émulation. «Il s’agit d’une tendance lourde, dans la lignée de l’économie de partage. Désormais, les perspectives sont inversées, on place beaucoup de pouvoir dans les mains du consommateur, ce qui pousse les prestataires à s’améliorer.»

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