Plus de 1,2 million de personnes meurent sur les routes chaque année et 50 millions sont grièvement blessées. Les accidents de la circulation sont devenus la 8e cause de décès dans le monde et la 1re chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans, laissant des millions de familles endeuillées.

Que dire aux parents, frères, sœurs, qui ont perdu leurs proches dans un accident de voiture? Que c’est le destin? Que nous ne pouvons rien faire? La vérité est que nous savons ce qu’il faut faire pour éviter les accidents ou limiter leur gravité. Les accidents de la route ne sont pas une fatalité, la plupart peuvent être évités. Mais cela requiert un engagement constant sur le long terme.

Les 18 et 19 novembre derniers, les gouvernements et les représentants de la société civile se sont réunis à Brasília pour la Seconde Conférence mondiale sur la sécurité routière, où ils ont réitéré leur engagement de réduire le nombre de morts et de blessés de moitié d’ici à 2020.

Malheureusement, nous sommes encore loin du compte. Au cours des trois dernières années, 79 pays ont connu une diminution du nombre de décès, mais 68 pays ont connu une augmentation. Globalement, la hausse des décès sur la route a ralenti, malgré l’augmentation du nombre de véhicules en circulation, mais les chiffres ne baissent pas assez vite. Si nous voulons tenir nos promesses, nous devons rapidement redoubler d’efforts. Cette urgence est soulignée dans la Déclaration de Brasília.

Le manque de progrès notable est d’autant plus frustrant que nous savons ce qu’il faut faire. Au cours des dernières décennies, les Nations unies, sous les auspices de la Commission économique pour l’Europe (CEE-ONU), ont élaboré 58 conventions et accords internationaux dans le domaine des transports terrestres, couvrant tous les aspects de la sécurité routière. Ces instruments juridiques sont opérationnels: nous savons comment construire des voitures et des routes plus sûres; nous connaissons les bénéfices de règles de circulation et de signalisation claires. Les politiques de prévention qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays sont bien connues et peuvent être reproduites à travers le monde.

C’est pourquoi, à Brasília, avec l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la sécurité routière, Jean Todt, nous avons plaidé pour un engagement fort des gouvernements, des entreprises et de la société civile en faveur de l’adoption et de la mise en œuvre des instruments juridiques de l’ONU relatifs à la sécurité routière.

Tous les pays doivent veiller à ce que les voitures utilisées sur leur territoire satisfassent à de meilleures normes de sécurité. Or actuellement moins de la moitié des pays appliquent les normes élémentaires de sécurité fixées par l’ONU. Ce n’est pas suffisant. La Déclaration de Brasília encourage les Etats à considérer la ratification des instruments juridiques de l’ONU relatifs à la sécurité routière. Cela peut faire une grande différence: par exemple, le port de la ceinture de sécurité réduit le risque de décès de 40-50% à l’avant et de 25-75% à l’arrière. Pourtant, dans plus de 80 pays, son utilisation n’est pas obligatoire. Dans de trop nombreux pays à revenu intermédiaire, les voitures peuvent même être vendues sans aucune ceinture de sécurité! De même, l’utilisation de sièges pour enfants réduit la mortalité de 50% à 80%, mais seuls 53 pays disposent d’une législation appropriée. Les Etats doivent également s’assurer que les véhicules importés, notamment les véhicules d’occasion, qui peuvent représenter plus de 50% des ventes dans certains pays, soient soumis aux mêmes règles.

L’industrie automobile doit elle aussi prendre la mesure de sa responsabilité. Plus de 90% des victimes d’accidents de la route vivent aujourd’hui dans les pays en développement. Or les crash-tests de Global NCAP, programme international qui évalue la sécurité des voitures mises sur le marché, montrent que les voitures vendues dans les pays en développement sont généralement moins sûres que le même modèle vendu en Europe ou en Amérique du Nord. Dans les pays en développement, les dispositifs de sécurité qui sont considérés comme standard de nos jours ne sont souvent disponibles qu’en option, mais les consommateurs n’en sont pas forcément informés.

En mettant en œuvre la Déclaration de Brasília, nous pouvons éviter que des millions d’enfants, de femmes et d’hommes meurent ou souffrent de graves blessures dans les accidents de la circulation. Nous devons sans tarder intensifier nos efforts pour mettre fin à cette tragédie.

Christian Friis Bach est sous-secrétaire général des Nations unies, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe

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