La Russie souffre du complexe du sauveur. Dans les années 1990, je faisais un reportage sur un parrain de l’Extrême-Orient russe, un criminel qui, après avoir passé 18 ans dans une colonie pénitentiaire, possédait à Khabarovsk un televizionnyj kanal, des restaurants, des hôtels et un casino. Entouré de ses gardes du corps armés, il me confia avec le plus grand sérieux que le prophète qui sauverait l’humanité viendrait de l’Extrême-Orient – et quelle coïncidence, j’étais assise en face de lui. Pourquoi alors Vladimir Poutine ne se prétendrait-il pas investi de la même mission, lui qui, dans la hiérarchie de ce monde criminel, est placé plus haut que ce vor (voleur) de Khabarovsk? Dans ce milieu, d’ailleurs, le mot vor est un grand compliment. Ceux qui volent à grande échelle sont respectés.