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Hausses de salaires: possibles et nécessaires

OPINION. Face à l’inflation et au choc annoncé des primes, des augmentations générales de salaires sont indispensables, estime Daniel Lampart, économiste en chef de l’Union syndicale suisse (USS)

Pour l'USS, si rien ne bouge, les gens aux revenus bas ou moyens auront moins d’argent pour vivre fin 2022 qu’en 2016. — © Alexandra Wey / Keystone
Pour l'USS, si rien ne bouge, les gens aux revenus bas ou moyens auront moins d’argent pour vivre fin 2022 qu’en 2016. — © Alexandra Wey / Keystone

Quelles hausses de salaires
l’an prochain?

Les négociations salariales de cet automne s’annoncent animées. Les syndicats réclament des hausses importantes pour compenser l’inflation, qui reste élevée et grève le pouvoir d’achat. Les entreprises, encore affaiblies par la pandémie, n’ont pas les moyens d’accorder des augmentations générales, répond le patronat.

La Suisse est l’un des pays les plus riches du monde. Mais de nombreux salariés et retraités ne l’ont pas vraiment ressenti ces dernières années. Au contraire: une fois le loyer et les primes maladie payés, il leur reste parfois même moins d’argent que par le passé. L’inflation en progression et le choc annoncé sur les primes d’assurance maladie ne feront qu’aggraver la situation. Il faut donc plus que jamais des augmentations générales de salaires, mais aussi, pour protéger le pouvoir d’achat, des hausses des subsides aux primes maladie et des rentes de retraite.

Les salaires n’ont pas assez évolué: les petits et moyens salaires ont encore perdu du terrain par rapport aux plus élevés. Les écarts ont recommencé à se creuser, comme si le débat sur les rémunérations abusives des managers n’avait jamais eu lieu. Et la flambée de l’inflation en 2022 – 3% environ – a déjà englouti les maigres hausses de salaires des dernières années. Fin 2022, si rien ne bouge, les gens aux revenus bas ou moyens auront moins d’argent pour vivre qu’en 2016. Les salaires moyens perdront environ 50 francs par mois de pouvoir d’achat, et les 10% les moins bien payés même 70 francs par mois. Ces baisses de revenu font mal au quotidien.

Lire aussi le point de vue de Swissmem: Négociations salariales: «Plutôt que de menacer, trouvons ensemble des solutions!»

Autre source de préoccupation: l’évolution salariale chez les employés qui ont une certaine ancienneté, ou encore chez les personnes avec un CFC ou un diplôme de formation professionnelle supérieure. Ces travailleurs n’ont eu droit qu’à de modestes hausses de salaires alors qu’ils apportent une contribution importante à la bonne marche des entreprises grâce à leur expérience et leurs compétences.

Les hauts revenus en revanche s’en sortent beaucoup mieux: les salaires des «top managers» affichent des augmentations encore plus fortes qu’auparavant, de l’ordre de 10%. En 2020 et 2021, en pleine période de pandémie, les rémunérations des patrons dans les grands groupes suisses ont augmenté de 8% en moyenne, soit d’environ 400 000 francs par année.

Les primes devraient s’envoler

Comme si ce n’était pas assez difficile pour les gens qui gagnent peu ou normalement leur vie, un choc au niveau des hausses des primes maladie s’annonce pour cet automne. Selon des estimations, les primes devraient augmenter de 7 à 9%. Une famille de quatre personnes devra débourser 1000 francs de plus pour l’assurance maladie l’année prochaine.

A ce propos, lire également: Après l’énergie, voici le choc des primes maladie

L’inflation et le choc des primes touchent aussi les retraités. En effet, les rentes du 2e pilier ne prévoient pas de compensation du renchérissement. Les rentes AVS, elles, vont augmenter un peu, mais de 2,4% seulement, soit moins que l’inflation, en cas d’application du mécanisme normal. Et si AVS 21 est acceptée le 25 septembre, la TVA va augmenter de 0,4%, ce qui va encore grever le budget des ménages de retraité-e-s.

Pour de larges pans de la population, les perspectives financières sont plutôt sombres. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des solutions à ces problèmes de pouvoir d’achat. L’économie suisse se porte bien. Dans les sondages sur la conjoncture, la plupart des entreprises font état d’une bonne, voire très bonne situation commerciale. Même le secteur de la restauration et de l’hôtellerie a repris des couleurs après avoir longuement souffert des effets de la pandémie. Beaucoup d’entreprises augmentent leurs prix. C’est donc une excellente base pour des hausses de salaires générales afin de compenser le renchérissement et pour que tout le monde profite de la bonne forme de l’économie suisse via une hausse des salaires réels. Les syndicats présenteront leurs revendications salariales le 2 septembre.

Pour faire face au choc des primes maladie, il faut impérativement qu’il y ait davantage de réductions de primes. En juin, le Conseil national a fait un pas important en allouant 2,2 milliards de francs supplémentaires à cette fin. Le Conseil des Etats doit le suivre.

Augmenter les subsides

Le problème des pertes de pouvoir d’achat pour les retraités reste entier. Lors de l’introduction du système des trois piliers, le Conseil fédéral avait promis à la population qu’il y aurait une compensation du renchérissement dans le 2e pilier, comme dans le 1er pilier. Cette promesse n’a pas été tenue jusqu’ici. En revanche, AVS 21 prévoit une détérioration de la situation des femmes et des couples en matière de retraite: il leur manquera une année entière de rente. Cette réforme est à rejeter.

Il est temps que les mentalités changent au parlement. Au lieu de baisser les impôts pour les grandes fortunes et les entreprises, nous avons besoin de mesures qui améliorent les revenus des gens qui gagnent normalement leur vie. Augmenter les subsides pour l’assurance maladie (réduction des primes) représenterait un premier pas très important. Compte tenu des baisses de pouvoir d’achat pour les rentes de vieillesse, une compensation complète du renchérissement est indispensable pour 2023. Et il faut, en plus, une hausse nominale des rentes. L’introduction d’une 13e rente AVS, demandée par une initiative syndicale, permettrait d’alléger rapidement les difficultés des retraité-e-s en matière de pouvoir d’achat.