Ces champions qui arrêtent alors qu’ils sont au sommet et que tout semble aller bien, ces athlètes qui préfèrent s’accomplir dans leur vie d’homme ou de femme disent la même chose: le sport de haut niveau est dur, terriblement exigeant mentalement. Les psychologues du sport constatent qu’il l’est de plus en plus, parce que les sportifs se retrouvent plus souvent pris au piège d’une impossible quête de perfection qui déborde très largement du cadre de l’entraînement et débouche sur une boulimie du contrôle.
Il faut minuter son sommeil, peser son assiette, calculer son effort. C’est une illusion parce que le sport ne sera jamais une science exacte mais c’est aussi une aliénation rassurante. «A 100%, mon sport était déjà très dur, alors si je ne mettais pas tous les éléments de mon côté, je n’avais aucune chance», dit un ancien cycliste qui a préféré arrêter à 23 ans seulement.
«Le mieux est l’ennemi du bien», me répétait mon père. Ce qui est nouveau, c’est que les nouvelles technologies et la statistique offrent des instruments de mesure – on allait écrire de torture – d’une précision infinie. «On ne peut pas atteindre l’excellence sans viser la perfection. Le défi consiste à ne pas se perdre dans l’obsession de la perfection», résume la psychologue française Meriem Salmi, ancienne responsable du suivi psychologique à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) à Paris.
Particulièrement valorisé dans le sport de haut niveau, nécessaire pour atteindre l’excellence, le désir de perfection est un idéal dangereux qui pousse de plus en plus d’athlètes à croire qu’ils n’ont pas droit à l’erreur. Il faudra essayer de s’en souvenir lorsque Marco Odermatt, Rafael Nadal ou Novak Djokovic brandiront un nouveau trophée, battront un nouveau record, et que tout cela paraîtra si simple et si facile.