Heureusement qu’Emmanuel Macron pense déjà à son héritage
Résident de la République
CHRONIQUE. Après les déchirements du débat sur les retraites, le président français va devoir faire face à l’énorme défi de reprendre la main

Le parlement est peut-être en train d’imposer à Emmanuel Macron la semaine la plus décisive de son quinquennat, avec un vote très incertain sur la plus impopulaire et la plus suivie de ses réformes. Et ce, sous la pression d’un énorme mouvement social qui ne demande qu’à déborder. Pendant ce temps, selon de nombreuses indiscrétions dans la presse, le président français s’activerait depuis quelques jours à préparer… l’après-débat sur les retraites. Car, s’il arrive à faire passer ce texte, contre l’avis de deux tiers des Français, c’est avec une énorme cicatrice qu’il devra gouverner pendant quatre ans.
Lire aussi: Le final parlementaire qui peut mettre le feu aux poudres des retraites françaises
Loi sur «la qualité de vie au travail» et le plein-emploi, loi sur la fin de vie, retour d’une forme de service national obligatoire pour les jeunes, réforme institutionnelle… Les chantiers sont multiples dans la salle d’attente d’un parlement qui sortira plus que jamais divisé par ces semaines de guerre des tranchées. Ce lundi déjà, l’Assemblée nationale a commencé à se pencher sur le projet de loi d’accélération du nucléaire, un texte destiné à faciliter la construction de nouveaux réacteurs en France. En remettant sans tabou l’atome au centre du mix énergétique français, Emmanuel Macron abandonne une méfiance idéologique qui avait marqué ces dernières années et, sans (trop) oublier le renouvelable qui a sa propre loi, entend projeter véritablement le pays sur une nouvelle voie vers la neutralité carbone et la souveraineté.
Lire aussi: En mission avec ce «Service national» que Macron veut rendre obligatoire
La voie royale de Marine Le Pen
Sur le nucléaire comme dans la plupart de ces autres dossiers – sans compter ceux qui sortiront certainement du chapeau ces prochains mois –, il s’agit de faire prendre à la France des virages historiques qui caractériseront la trace du macronisme que le président aimerait voir survivre. Il s’agit aussi de relancer ce mandat si mal emmanché, avec ces élections législatives qui ont privé le président de sa majorité absolue à l’Assemblée et cette réforme des retraites qui a davantage mobilisé contre elle que prévu. Pour Emmanuel Macron, il faut reprendre la main, tout faire pour réenfiler le costard du jeune président qui fait rêver et qui devait changer la France pour le mieux. Il faut voir loin, au-delà des Jeux Olympiques de Paris 2024. Pas question de se laisser entraver par la malédiction du second mandat et de devenir le «roi fainéant» à la Chirac qui ne peut plus rien faire face à l’impopularité et aux ambitions de ses successeurs, y compris dans son camp. Un défi titanesque dans ce pays qui adore détester ses présidents. Une mission d’autant plus importante qu’elle se fait avec un épouvantail en ligne de mire: l’élection de Marine Le Pen en 2027, que tout semble désigner pour l’instant. D’autant que les profils de prétendants pour la faire tomber de sa voie royale se dégonflent les uns après les autres.
Car, au-delà du plaisir narcissique des quelques lignes qu’il laissera dans les livres d’histoire, au-delà même du désir, plus légitime, que l’idéologie macroniste survive à ses mandats, l’enjeu pour Emmanuel Macron est surtout celui de ne pas être le président qui, en oubliant parfois les naufragés de la modernité au bord de la route, aura ouvert la voie du pouvoir à son contraire, le populisme nationaliste d’extrême droite. Un retour de balancier qui serait tragique pour le pays, similaire à celui qu’ont vécu les Américains avec l’élection de Donald Trump après deux mandats de Barack Obama.
La chronique précédente: Chaque génération française veut sa révolution
Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.