Le Conseil d’Etat présent in corpore pour une conférence de presse, accompagné de la chancelière, le fait est rare. C’est le signe de l’importance de ce dossier de l’Hôpital fribourgeois (HFR) devenu une affaire d’Etat. Le gouvernement se devait de montrer sa détermination. Son silence était devenu assourdissant ces dernières semaines face à l’agonie de l’une des institutions publiques majeures du canton, étranglée financièrement, sapée par une gestion défaillante et une gouvernance d’une autre époque. Une crise profonde qui a précipité le départ de sa directrice générale en février dernier.

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Le mal est connu. Institution qui porte encore les stigmates d’intérêts régionalistes et politiques, coincée entre les hôpitaux universitaires de Lausanne et de Berne, l’HFR n’a pas su anticiper les changements liés à la libéralisation du marché hospitalier de 2012. Des solutions existaient pourtant. Elles avaient été avancées en 2015, déjà, dans un audit qui recommandait la sortie des employés de l’hôpital de la Loi sur le personnel de l’Etat (LPers). Un cadre protecteur, mais lourd et grevant les budgets: le salaire moyen du personnel de l’HFR est ainsi de 7,9% supérieur à la moyenne suisse. Explosif politiquement, ce rapport sera néanmoins gardé secret, rangé bien profondément au fond d’un tiroir, jusqu’à de récentes fuites dans la presse.

Programme de réforme conséquent

Suite à la rapide détérioration de la santé financière de son hôpital, ainsi qu’à la découverte de manquements béants dans sa gestion, le Conseil d’Etat ne peut plus aujourd’hui retarder l’échéance. On le devine: les débats à l’interne ont été longs, âpres, tendus. Au final, le programme de réformes se veut conséquent. Outre la professionnalisation du conseil d’administration, le gouvernement fribourgeois a donc décidé de briser un tabou en proposant de modifier le statut du personnel pour offrir une plus grande flexibilité à l’HFR dans la gestion de ses employés, afin d’affronter un marché suisse de la santé ouvert à une féroce concurrence.

Les syndicats ne l’entendent évidemment pas de cette oreille et dénoncent déjà un procédé qui «fait payer au personnel l’addition de la gestion désastreuse de l’HFR». Secouée par sa défaite lors de l’élection complémentaire qui l’a vue perdre un siège au Conseil d’Etat, la gauche pourrait retrouver un nouveau souffle au cours d’un combat mené pour la défense du service public. Le printemps politique promet donc d’être brûlant en terre fribourgeoise. Mais il était temps. En acceptant de briser les tabous, le Conseil d’Etat a posé les bases d’un débat public douloureux mais nécessaire à la survie future de l’HFR en tant qu’hôpital cantonal.

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