Opinion
OPINION. Les besoins en personnel soignant augmentent, les soignants quittent leur métier, et rien n’est fait pour stopper cette hémorragie, constate l’infirmière et candidate genevoise au Conseil des Etats Béatrice Hirsch

Un sondage mené en février de cette année montrait que 47% du personnel soignant des EMS désire quitter le métier. La semaine dernière, Le Temps titrait sa Grande Interview par: «On n’écoute pas assez les patients.» Alors, le pas est vite franchi: et s’il y avait une corrélation entre ces deux tristes constatations? On le sait bien, le centre du métier de soignant est dans la relation au soigné, et donc, si le personnel soignant ne peut pas produire ce qu’il a été formé à faire, et, par ailleurs, ce qui a très souvent été sa raison principale d’embrasser ce métier, alors tout naturellement, il s’en détourne. Mais pourquoi ne peut-on plus prendre le temps du soin relationnel, et surtout que pourrait-on faire pour redonner ce temps aux soignants?
Tout d’abord, faire ce que l’on ne fait jamais: donner la parole aux principaux concernés, à savoir, les soignants et les soignés. On découvrira alors foule de petites mesures pour prendre le temps, modifier les priorités, rendre les interventions plus efficientes, parce qu’en prenant le temps aujourd’hui, on en gagne pour les prochains jours.
Entre le marteau et l’enclume
Et puis aussi, se souvenir que la hiérarchie des institutions n’existe que pour soutenir celles et ceux qui font le travail requis de ces institutions. Comment exiger de la part d’une infirmière une infinie bienveillance envers le résident ou le patient, et bien sûr également envers son environnement familial, parfois stressé, en colère, idéaliste ou exigeant, si cette infirmière ne peut pas compter sur sa propre hiérarchie pour recevoir de la bienveillance?
Si on demande à une aide-soignante de pouvoir accueillir la colère d’un patient à qui on vient d’annoncer un diagnostic difficile, alors l’institution doit lui apporter de quoi également ventiler ses émotions. Sans cette posture qui paraît a priori évidente, les soignants ne peuvent qu’être pris entre le marteau et l’enclume et finalement, pour se protéger, démissionner.
Bien des gestes quotidiens des soignants sont exécutés pour répondre à des exigences administratives et non de qualité de soin
Et puis aussi, bien sûr ai-je envie de dire, réduire la charge administrative… On dit souvent que ce sont les exigences légales, mais trop souvent, ce sont des interprétations de l’administration qui exigent des aberrations. Bien des gestes quotidiens des soignants sont exécutés pour répondre à des exigences administratives et non de qualité de soin. Pourrait-on rêver de faire un inventaire de ces mesures et questionner leur pertinence, en regard de la priorité qui n’est que trop peu donnée à la relation et à l’écoute?
Professions majoritairement féminines
Les professions de soins, hormis les médecins, ont toujours été des professions très majoritairement féminines, historiquement religieuses, et par conséquent, toujours dévouées, acceptant de s’adapter à tout environnement professionnel, même dysfonctionnant. Elles ne se révoltent jamais, n’exigent pas, essaient encore et toujours d’apporter du réconfort, des soins professionnels de qualité, même si leur espace de relation au patient se réduit comme peau de chagrin, et finalement, lorsqu’elles réalisent qu’elles ne font plus le métier dont elles rêvaient, le métier qu’elles ont appris, alors, silencieusement, elles s’en vont et quittent une profession qu’elles aimaient profondément, mais qu’on ne leur laisse plus exercer.
Les besoins en personnel soignant augmentent, les soignants quittent leur métier, et rien n’est fait pour stopper cette hémorragie. Autorités en charge des politiques de soins, réveillez-vous! Investissez pour elles! Mais, faites vite, un jour il sera trop tard!
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