Chronique
Kim Kardashian, prends garde à toi. Des stars des réseaux sociaux commencent à attirer grand public et marques de luxe. Leur particularité: ce sont de simples images de synthèse

Vous connaissez les influenceurs, adorés par les ados et les marques de luxe. Voici désormais des figures de synthèse qui peuvent les remplacer avantageusement. Elles s’appellent Lil Miquela ou Shudu Gram, et bien d’autres vont envahir les fils d’actualité de vos réseaux sociaux. Du point de vue de l’apparence, la performance technique doit encore s’améliorer. Par contre, le narratif peut aller loin. On suit l’évolution de ces personnages comme dans une série ou un jeu vidéo, à travers des opérations marketing savamment orchestrées.
Ces nouvelles icônes ont plusieurs avantages quand il s’agit de ne pas décevoir un public. Une image générée par ordinateur qui devient une star d’Instagram ne prend pas de poids, ne vieillit pas et ne connaît pas de difficultés dans sa vie – comme une rupture amoureuse ou un problème d’addiction. Et cela plaît. Avec sa vie toute sage, Lil Miquela a attiré à elle plus d’un million de fans.
C’est une concurrence en puissance pour toutes les Kim Kardashian de la terre et les modèles jusque-là plébiscitées par les photographes. Il s’agit aussi d’une fantastique opportunité pour les marques de luxe de s’afficher avec un personnage sain et positif. Lil Miquela affiche d’ailleurs une garde-robe surdéveloppée. Les marques ont-elles payé pour cela ou les inventeurs de la créature ont-ils le sens du commerce et espèrent-ils amorcer la pompe à contrat?
Rien n’est clair mais plusieurs raisons objectives font penser que ces prescripteurs de pixels vont perdurer. Le créateur de Shudu Gram estime que la mode, devenue ennuyeuse, a besoin de super-modèles, à l’instar du cinéma qui réalise ses meilleurs scores au box-office grâce aux super-héros.
Par ailleurs, ces personnages baignent dans une certaine irréalité très utile aux marques. La législation américaine oblige les vrais influenceurs à annoncer sur chacune de leurs photos qu’ils ont été payés pour porter une marque de vêtements, par exemple. La loi s’applique-t-elle à ce qui n’est qu’une image et pas une personne? La question reste ouverte.
Le phénomène va aussi durer parce que nous n’avons aucun problème à nous attacher à des images de synthèse. Il n’y a qu’à voir comment la franchise Lara Croft a prospéré: au départ, une héroïne de jeux vidéo, née en 1996, ensuite une star de films qui se sont adressés à deux générations successives de spectateurs. Et y a-t-il meilleur indicateur de succès que le fait que votre enfant aime un héros que vous avez aimé à son âge?
Surtout, la technologie va s’améliorer, et l’effet d’illusion quant à l’identité réelle des futurs influenceurs va se renforcer. Humains ou numériques? Demain, la question ne se posera plus.
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