Inscrire la réduction des gaz à effet de serre dans la Constitution
genève
Andreas Saurer, membre de la Constituante genevoise, explique que les énergies renouvelables constituent une révolution fondamentale qui doit être soutenue et cadrée par la sphère politique
Un des problèmes majeurs du XXIe siècle est le réchauffement climatique en lien avec les gaz à effet de serre (GES) dont 75% proviennent du CO2. La rapidité du réchauffement climatique, 1,5°C pendant les 150 dernières années, est un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité, raison pour laquelle le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a sonné l’alarme l’année dernière. Selon le GIEC, pour que la température retrouve en 2100 le niveau de 2000, nous devons réduire les émissions des gaz à effet de serre de 75% en 2050 par rapport au niveau de 1990. Les conclusions du GIEC sont le reflet d’un consensus dans le milieu scientifique et sont «acceptées» par la plupart des gouvernements. Par rapport à 1990, l’Union européenne prévoit une diminution de 30% pour 2020 et le gouvernement Obama de 80% pour 2050.
Malheureusement, il ne s’agit pour le moment que de belles intentions. Ainsi, la réduction des émissions de CO2 en Suisse reste stationnaire depuis plusieurs années, aux alentours de 11%, et à Genève elles stagnent à 2 tonnes après avoir diminué de 2,2 tonnes en 1990 à 1,9 tonne en 2000.
Pour diminuer les GES, nous avons fondamentalement deux moyens à disposition: le développement massif des énergies renouvelables et les économies d’énergie en investissant dans l’isolation des bâtiments et en développant les moyens de déplacement non polluants tels que les transports publics.
En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, il est utile de les insérer dans le cadre des révolutions énergétiques. Ainsi, la première révolution énergétique basée sur le charbon et l’introduction des machines à vapeur ont permis, au début du XIXe siècle, le développement des locomotives, des bateaux à vapeur, de l’industrie du textile et de la métallurgie. La deuxième révolution énergétique, qui a commencé dans la première moitié du XXe siècle, était basée sur le pétrole avec l’introduction du moteur à explosion et de la voiture et sur l’électricité avec le développement de l’électroménager. Ces révolutions énergétiques s’expliquent par une rentabilité accrue de la nouvelle source d’énergie et par une utilisation plus décentralisée permettant ainsi une plus grande mobilité.
Les énergies renouvelables constituent la troisième révolution énergétique. L’intérêt économique des énergies renouvelables, particulièrement en ce qui concerne l’énergie solaire, se trouve dans le fait que leur source est gratuite et dans leur important potentiel de décentralisation. L’énergie peut être utilisée à l’endroit même où elle est produite avec une suppression des frais de transport, un atout qui peut s’avérer fort intéressant en matière de rentabilité.
Se pose alors la question de savoir s’il faut laisser faire l’initiative privée et le libéralisme économique comme lors des révolutions énergétiques précédentes. La plupart des gouvernements, particulièrement européens, estiment que cela n’est pas possible compte tenu de l’urgence et de la gravité de la situation, un état d’esprit qui se trouve à la base des réunions de Kyoto et de Copenhague. Cela ne signifie évidemment pas que l’économie privée soit incapable de prendre des initiatives allant dans ce sens. La preuve en est la création en juin 2009 de Desertec, un consortium européen regroupant des entreprises comme Deutsche Bank, Siemens, ABB, etc. pour investir 400 milliards d’euros afin de mettre en place un projet de production solaire dans le désert africain avec comme but de couvrir 15% de la demande énergétique européenne dans un délai de dix ans.
Mais, une hirondelle ne fait pas encore le printemps. La gravité de la situation est telle que nous n’avons pas le droit de compter uniquement sur les lois du marché. Pascal Lamy, directeur de l’OMC, fait référence, dans Le Temps du 28.08.2009, à «la limite écologique du capitalisme». Le dépassement de cette limite constitue un danger majeur pour l’organisation socio-économique de nos sociétés, et met en cause non seulement les couches défavorisées de l’hémisphère Sud, mais également l’existence de villes aussi centrales pour l’économie mondiale que New York, Shanghai ou encore Tokyo. La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou non prendre des mesures mais quand nous allons les prendre. Si nous les prenons maintenant, le coût social et économique est relativement limité. Si nous les prenons dans une vingtaine d’années, le coût sera élevé pour l’ensemble de la société et de l’économie. Il serait donc souhaitable que les représentants de l’économie réalisent le danger du réchauffement climatique et sauront prendre les mesures qui s’imposent. Le «business as usual» n’est plus possible.
Espérons que la Constituante genevoise saisisse l’occasion de la révision de la Constitution pour y insérer une diminution chiffrée des émissions de CO2 de 75% pour l’année 2050.
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