opinion
Le Prix du cinéma suisse a attribué un prix d’honneur à Jean-Luc Godard. Attendu comme le messie, le cinéaste a de nouveau joué la fille de l’air. Mais il a envoyé un court-métrage, intitulé remerciement. On y voit le sphinx de Rolle rentrer chez lui, poser sa canne, s’effondrer sur le tapis, faire le mort, se relever pour mettre un point final à sa lettre de remerciement. Voici le texte qu’il dit de sa voix traînante de fumeur vaudois de havanes
Les honneurs
et leur commentaire
Vous vous souvenez:Ballabio!entre Denges et Denezy,un soldat rentre au pays,a marché, a beaucoup marché,on le félicite à l’arrivée on lui donne des écus dorésqu’il se dépêche de partager,chiens perdus sans collier,chats rejetés, oiseaux blessés,et d’autres encore,venez victimes, disait Fernandel,mais la partie n’est pas gagnéeIl faut encore remercier
il est très étrangede donner un prix de cinéma suisse,puis qu’il n’y a pas de cinéma suisse, il y a des films suisses,comme il y a des films bulgares aussi,des films finlandais, des films africains,mais le cinéma, c’était autre chose, les grecs avaient 4 éléments,la physique moderne pareil,les 4 murs de la maison du monde, la gravité, les forces faibles,et les les forces fortes, les forces électro-magnétiques,4 murs, en occident, pour soutenir encore un peule XXIième siècle
Mais pas de toit,pas de toi et moi,et des peuples entiers sansprotection de l’imaginairealors qu’il y a cent ansles 4 grandes cinématographies,la russe, l’allemande,la française et l’américaine,assuraient la foi des nations en elles-mêmes
le temps passeet les USA, à forcede se frotter à Staline,découvrent qu’à force de quantité,on peut faire s’en aller la qualité,alors on dit Hollywood,et on respire à l’abrides guerres civiles
pardonnez-moi, mais il y a encore autre chosecomment unConseil fédéral peutlégiférer au nom d’une Confédération?oui, sans doute que le monde va mal, n’est-ce pas, alors je préfère penser que tous ces écus dorés viendrontde l’héritage d’anciens confédérés, et 4 suffiront là aussi celui du Jura et d’Humbert-Droz,celui d’une toute jeune Èvedont Michel Servet fit circuler le sang, et encorele sang du major Abraham Davel,et j’ajoute le pauvre Winkelried,on dit qu’il faut se faire une raison,alors je rentre à la maison,avec «les cendres de Gramsci»,un poème de Pasolini,ça parle de l’humble corruption.
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