On croyait l’affaire définitivement jugée et tranchée: l’exclusion de Jean-Marie Le Pen de son parti. Pas du tout, comme nous l’annonce ce matin la presse française, par exemple «RFI»: «C’est un nouvel épisode judiciaire entre Jean-Marie Le Pen et son ancien parti le Front national (FN). L’octogénaire conteste ce mercredi 5 octobre en justice son exclusion du parti qu’il a fondé au début des années 1970. L’eurodéputé avait été exclu du FN en août 2015 en raison de ses propos sur la Shoah et le maréchal Pétain. Ce nouveau bras de fer judiciaire creuse un peu plus le fossé entre père et fille.»

Toujours les mêmes analyses

Où l’on constate également que, telle une horloge dont les mécanismes se seraient grippés, Jean-Marie Le Pen tourne en boucle dans ses vieux schémas: «Me reprocher d’avoir dit que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire ou que le maréchal Pétain n’était pas un traître, tout cela est dérisoire»…

Malgré une tendinite, il sera présent

Au «Parisien», on se lèche les babines: «Le Pen contre Le Pen, c’est le grand jour. Après trois victoires judiciaires, l’an dernier, face au Front national dirigé par sa fille, qui l’avait suspendu, Jean-Marie Le Pen revient mercredi au tribunal pour tenter de faire annuler son exclusion, récupérer la présidence d’honneur et les avantages attachés à la fonction. Le patriarche demande aussi 2 millions d’euros de dommages et intérêts, une somme qu’il juge «symbolique» tant le préjudice qu’il a subi est «inappréciable».

Le journal fournit même le bulletin de santé du vieux manœuvrier: «Malgré une tendinite de la hanche, le cofondateur du Front national, âgé de 88 ans, sera présent à l’audience du tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine), qui commencera à 14 heures. Car il se considère «président d’honneur à vie».

Sa défense, une bombe politique contre sa fille

A «L’Express», on en sait un peu plus sur la stratégie de défense que Jean-Marie Le Pen pourrait bien utiliser pour remporter la victoire: «L’avocat de Jean-Marie Le Pen, Me Frédéric Joachim, fait valoir nombre d’arguments, juridiques et politiques.» Parmi lesquels, celui-ci qui, pour «L’Express» pourrait être une bombe: «Sur le fond, Me Joachim rappelle que le FN reproche à Jean-Marie Le Pen d’avoir manqué «à la ligne du mouvement». Or «il ne suffit pas de proclamer l’existence d’une ligne politique pour qu’elle existe et l’on se demande vainement quelle est cette ligne qu’aurait franchie Jean-Marie Le Pen. L’avocat met le doigt où ça fait mal: «Depuis qu’elle a pris les commandes du FN en janvier 2011, Marine Le Pen n’a procédé à aucun aggiornamento politique.»

Des éloges pour Sarkozy

Voilà pour la technique juridique. Mais une audience en vue, c’est toujours l’occasion pour des protagonistes qu’on aurait voulu enterrer trop vite de décocher quelques traits assassins. Bon client des médias, Jean-Marie Le Pen ne s’en prive pas: «Le Figaro» résume ainsi les attaques portées dans «Le Parisien» en début de semaine: «Ce lundi, le «Menhir» tente de frapper là où ça fait mal en se livrant, dans les colonnes du «Parisien», à un éloge de la stratégie de «droitisation» du débat politique prêtée à Nicolas Sarkozy.»

Il faut bien dire que les propos du patriarche concernant sa fille et Nicolas Sarkozy n’ont pas manqué de faire jaser: «Monsieur Sarkozy est un opportuniste. Il voit bien les évolutions de l’opinion et les sondages qui favorisent Marine Le Pen et les idées du Front national. Alors il voudrait prendre sa part du gâteau […] il occupe au fur et à mesure le terrain que Marine Le Pen évacue pour aller vers le centre. Lui, au contraire, quitte de plus en plus le centre pour aller vers la droite nationale populaire et sociale qui est en train de conquérir l’opinion sous la pression des événements». Et enfin cette estocade: «Ce n’est pas moi qui me sarkozyse, c’est lui qui se jean-marise!»

Pour éviter cela, «il fallait le supprimer»…

Bref, belle ambiance pour celui que l’on accuse de vouloir sérieusement plomber la campagne de sa fille. Mais comme il le déclare, si l’on avait voulu éviter cela, «il fallait (le) faire disparaître».

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