A l’approche des élections législatives allemandes, l’AfD (Alternative für Deutschland) mène une virulente campagne anti-immigration dans les rues. «Les burqas? Nous préférons les bikinis», «La diversité de couleurs? Nous l’avons déjà», «De nouveaux Allemands? Nous les faisons nous-mêmes»: les slogans de ses dernières affiches, jugées sexistes et racistes, suscitent une vive polémique sur les réseaux sociaux. En ciblant ouvertement les étrangers, le parti d’extrême droite charge la politique menée depuis douze ans par Angela Merkel. 

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Sur une plage, trois jeunes femmes, de dos, s’élancent en maillot de bain vers les vagues. Un rêve de vacances, de liberté, d’innocence qui risque d’être brutalement interrompu par une burqa menaçante, prévient l’AfD en filigrane. Le parti d’extrême droite, crédité de 11% des intentions de vote le 24 septembre, a pris pour cible récurrente cette tenue érigée en symbole d’un islam dangereux. Lundi en conférence de presse, Alexander Gauland, l’une de ses têtes de liste, a encore glosé sur le thème «immigration musulmane et criminalité». Il a notamment dénoncé «l’islamisation croissante» de l’Allemagne, conséquence directe de «la politique d’ouverture des frontières».

L’épouvantail de la burqa

En Suisse, l’UDC a elle aussi souvent brandi le voile intégral comme épouvantail pour choquer l’opinion. Dernier exemple en date: ses affiches contre la naturalisation facilitée mettant en scène une femme en burqa noire avec le slogan «Naturalisation incontrôlée? Non!»

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Campagne «radicale et agressive»

En Allemagne, la campagne baptisée «#TrauDichDeutschland» (Osez, les Allemands!) est l’œuvre de l’éditeur Thor Kunkel, membre du parti d’extrême droite NPD. Interrogé par le magazine Stern, l’homme à la réputation sulfureuse assume pleinement l’opération: «L’AfD ose soulever des vérités dérangeantes dans un marché d’idées dominé par la gauche.» Dans le rôle du distributeur, l’agence texane Harris Media, qui a «notamment collaboré avec le UKIP, Ted Cruz et Donald Trump», a révélé fin août Der Spiegel, dans une enquête sur la campagne la «plus radicale et agressive que l’Allemagne ait connue».

D’anti-européen à anti-immigration

Dans un contexte politique exacerbé, l’AfD est accusée d’attiser la haine envers les étrangers. Née de la contestation anti-européenne, elle n’a cessé de se positionner en parti anti-immigration. «Voilà avec quoi fait campagne le parti #AFD, annoncé comme la 3e force politique du pays», déplore @GHCine sur Twitter.

L’instrumentalisation du corps féminin pour une cause jugée xénophobe suscite elle aussi un vent d’indignation. «Hey @AfD, que pensez-vous de laisser la femme libre de décider si elle veut porter une burqa ou un bikini?», questionne @fckfngr.

Relents identitaires

Au-delà de la burqa, une autre affiche interpelle par ses relents identitaires. Là encore, le corps féminin est mis en scène. Sans détour ni complexe, l’AfD l’affirme: les nouveaux Allemands seront purement Allemands et rien d’autre. En toile de fond, le ventre rond d’une femme enceinte. Rejet du mélange, préservation de l’identité: il n’en faut pas plus aux internautes pour établir un parallèle avec le pangermanisme et l’Allemagne des années 30.

Parodies et détournements

Sur Internet, la riposte s’organise à travers de multiples détournements. Le satiriste israélien basé à Berlin Shahak Shapira a ouvert le bal au début de l’été en parodiant une autre affiche de la série intitulée «L’islam? Ça ne va pas avec notre cuisine». A la place du porcelet rosé, immortalisé sur une prairie en fleurs, l’artiste a posté sur Twitter une image de la vice-présidente du parti d’extrême droite, Beatrix von Storch, en train de poser avec un döner kebab.

Le groupe militant Travestie für Deutschland («travestis pour l’Allemagne»), qui rassemble des drag-queens berlinoises, a lui aussi produit une série de détournements savoureux.

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