Jusqu’à récemment, les acteurs financiers institutionnels n’ont que peu pris part à l’essor de la finance décentralisée, préférant ne pas s’impliquer dans un écosystème riche d’opportunités mais non réglementé. Aujourd’hui, des solutions technologiques robustes d’identification des clients (KYC) et de lutte contre le blanchiment (LBA) existent pour donner à la finance décentralisée la maturité qui lui manquait pour accueillir pleinement les acteurs institutionnels.

La «DeFi», contraction de «finance décentralisée» en anglais, désigne l’ensemble des services financiers construits sur une blockchain et sans mécanisme centralisé. Ils sont finalement assez proches des services bancaires traditionnels, tels que les prêts, les obligations, les opportunités de génération de rendement, les assurances, l’échange d’actifs et de produits dérivés. La différence majeure réside dans le fait qu’en se passant d’intermédiaire, la DeFi est non seulement plus rapide dans l’exécution des tâches et moins coûteuse mais qu’elle permet également de garder le contrôle de ses avoirs. La «DeFi» évite le risque de contrepartie, qui est intrinsèque au système de réserves fractionnaires des banques, comme l’a montré l’exemple récent de la Silicon Valley Bank.

Les solutions technologiques existent

Si, en 2022, le marché de la «DeFi» se chiffrait, en volume de transactions, déjà à plus de 850 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel moyen estimé de 42,5%, ce qui pourrait amener ce marché à un volume de transactions de près de 14 500 milliards de dollars d’ici à 2030. Une telle évolution représente une opportunité impossible à ignorer pour les acteurs institutionnels, qui doivent pouvoir répondre à l’intérêt et la demande croissante de leurs clients pour cette source de diversification.

Cependant les banques, les gestionnaires de fortune, les hedge funds sont confrontés à des obligations réglementaires qui demeurent un obstacle important à l’entrée de ce monde d’opportunités. Faute de pouvoir assurer l’identité des acteurs et la provenance des fonds, la finance institutionnelle ne pouvait simplement pas se permettre de rentrer dans l’écosystème DeFi.

Mais les solutions technologiques existent désormais pour accéder à une «DeFi» conforme aux standards réglementaires en vigueur dans la finance traditionnelle. Il est possible d’assurer l’identité des nouveaux acteurs à l’entrée de l’écosystème, la traçabilité des fonds, de suivre toutes les transactions afin de s’assurer de la conformité des contreparties. Il est possible entre autres d’empêcher l’accès à des portefeuilles d’origine frauduleuse, issus par exemple de hacking, ou provenant de pays sur liste noire. Afin de garantir le meilleur niveau de contrôle, il est même possible d’agréger les résultats des différentes solutions technologiques qui effectuent ces vérifications. Une fois validée, l’entité peut alors profiter librement des opportunités d’investissements offertes dans l’écosystème.

Le monde de la «DeFi» a souvent vu la réglementation comme un obstacle. Cependant, dans le cas de l’engagement institutionnel, l’effet inverse est vrai: proposer un environnement conforme aux standards réglementaires suisses devient une véritable opportunité pour le développement du secteur. En bâtissant ainsi un pont entre la finance institutionnelle et la finance décentralisée, cette dernière entrera dans une nouvelle phase de maturité.

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