Opinion
OPINION. Les critiques du Conseiller d’Etat Antonio Hodgers contre le projet Campus de la RTS sont surprenantes, écrit le directeur de la RTS, Pascal Crittin, en réaction à une tribune du magistrat genevois publiée par «Le Temps». Les autorités genevoises connaissent dans le détail et depuis longtemps ses engagements concernant leur canton

En période de crise, mieux vaut investir que subir les événements. C’est la responsabilité d’un service public que d’anticiper et de préparer l’avenir pour mieux servir la population. En investissant dans les infrastructures audiovisuelles romandes, avec le projet Campus, la SSR garantit sa présence décentralisée dans tout le pays. Dans une période de profonde mutation, l’immobilisme n’est jamais une bonne réponse.
Face à ces évidences, les critiques du conseiller d’Etat Antonio Hodgers contre le projet Campus de la RTS sont surprenantes. Le magistrat genevois oppose les économies que la RTS est contrainte d’opérer aujourd’hui et le futur développement d’un studio de production. Il sait pourtant très bien qu’un budget d’exploitation annuel ne doit pas être confondu avec un investissement stratégique à long terme. De même, il n’ignore pas qu’un tel investissement dans les infrastructures permet aussi de réduire durablement les coûts opérationnels annuels.
Inquiétude infondée
Craint-il que Genève soit oubliée par la RTS? Cette inquiétude est totalement infondée. Les autorités genevoises connaissent dans le détail et depuis longtemps nos engagements concernant leur canton. Mille emplois maintenus, un nouveau studio d’information, une rédaction genevoise renforcée, un pôle de compétence international, un projet de centre de création digitale: voilà ce que réalise le service public au bout du lac. Depuis des années, les autorités genevoises ne cessent de vanter la coopération transfrontalière et lémanique, dans le domaine universitaire, les transports ou récemment les questions de gouvernance numérique. Il faut s’en féliciter. L’avenir des Romands dépend largement de leur capacité à se rassembler pour promouvoir ensemble leurs cultures et leurs intérêts. Mais alors pourquoi combattre ici ce que l’on promeut là?
Les Romands seraient-ils incapables de s’organiser au mieux sur leur territoire en s’accrochant, pour des questions de préséances cantonales, à une organisation datant des années 1960?
Dans cette perspective, il est temps de rappeler l’essentiel. La RTS n’est ni genevoise, ni lausannoise. Tout ce qu’elle produit, à Genève comme à Lausanne, sert l’ensemble de la Suisse romande. Demain, le téléjournal ne sera pas plus «lausannois» qu’il n’est «genevois». En construisant un studio au cœur du campus de l’EPFL, proche de l’Unil, la RTS s’installe dans un écosystème de recherches, d’échanges, d’innovations et de formation qui n’a rien d’une rase campagne, comme le sous-entend Antonio Hodgers. Il s’agit en plus d’un modèle qui a fait ses preuves, car à Genève aussi, la RTS est au milieu du campus urbain de l’université avec laquelle elle a tissé des liens solides au fil des années.
Politique sociale responsable
Plus proche des différents cantons romands, le nouveau studio sera à la fois au cœur des nouvelles générations et au centre de la mission de service public, puisqu’il servira le développement de l’actualité. Ce n’est pas dans la pierre que la RTS investit, mais dans le développement qualitatif de ses programmes, basé sur la vision moderne d’un média global (radio, TV, digital), incarnée par ses équipes professionnelles. Ici, il convient de noter la politique sociale responsable de la SSR et de la RTS. L’emploi des actifs sera soutenu grâce à des plans de reconversion et en limitant le plus possible les licenciements grâce au potentiel des retraites.
Les médias affrontent des temps difficiles et une concurrence mondialisée. Les modèles économiques sont malmenés, les attentes des publics changent drastiquement. Dans ce contexte, toute la SSR se transforme avec deux exigences fondamentales: assurer une production suisse de qualité et rester en contact avec tous les publics. Les nouvelles plateformes qui envahissent le marché sont conçues en Chine ou aux Etats-Unis. Alors que les productions n’ont plus de frontières, les Romands seraient-ils incapables de s’organiser au mieux sur leur territoire en s’accrochant, pour des questions de préséances cantonales, à une organisation datant des années 1960? La RTS préfère réaliser aujourd’hui les investissements utiles pour toute la région demain.
Pascal Crittin est directeur de la RTS.
A ce propos
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