Chaque année depuis 1946, le Festival de Cannes permet de prendre le pouls du cinéma mondial. Cette année, ce sont ainsi 13 pays qui sont représentés au sein de la compétition, si on ne retient que la nationalité des cinéastes. Car, en y regardant de plus près, on notera que parmi les 21 longs métrages sélectionnés, dont un recevra samedi soir la Palme d’or, un prix convoité car il ouvre au gagnant les portes d’une large distribution internationale, plus de la moitié sont des coproductions entre deux, trois, quatre voire cinq pays. A ce titre, la Suisse est représentée en compétition avec un film majoritairement italien, tandis qu’une œuvre tunisienne a bénéficié, plus surprenant, d’un soutien de l’Arabie saoudite. Tout comme le film d’ouverture, le très français Jeanne du Barry, tourné à Versailles.

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Peu connue pour sa défense des droits des femmes et de la liberté d’expression, avec même des exécutions en hausse selon un rapport d’Amnesty International, la monarchie utilise Cannes comme une grande vitrine permettant d’asseoir son soft power, ce qui ne passe pas inaperçu. D’autant plus qu’un office du film national avait été créé en 2008, lorsque le cinéma était encore officiellement interdit. Après que la pandémie de Covid-19 a fragilisé l’économie mondiale du cinéma, voici donc que l’Arabie saoudite se pose en défenseur de la diversité. D’un côté, elle aide de nombreux premiers films, dont plusieurs ont été présentés à Cannes dans des sections parallèles, et de l’autre, elle invite des stars, comme les controversés Johnny Depp et Will Smith, à venir parader à Al-Ula, une région touristique où la France pilote un grand projet de studios, avec la promesse de frais remboursés jusqu’à une hauteur de 40% si l’argent est dépensé sur place.

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En parallèle, le Red Sea Film Festival, à Djeddah, soutient également à travers sa fondation le cinéma indépendant, permettant à des cinéastes arabes ou africains de réaliser des films dans leur langue et parlant de leurs préoccupations. Alors, faut-il se réjouir de voir l’Arabie saoudite s’acheter une respectabilité à travers le cinéma? On peut y voir à choix un signe d’ouverture, et de possibles changements progressifs au sein du royaume, mais aussi une ingérence malvenue – on vous aide, vous ne nous critiquez pas… En tous les cas, celles et ceux qui se plaignent du pouvoir croissant des plateformes de streaming feraient mieux de se préoccuper de cette géopolitique nouvelle en matière de défense de la création artistique.

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