Opinion
Le flux migratoire actuel constitue un changement de paradigme. Nous nous devons d'accueillir ces réfugiés. Mais quelles réponses apporter face à l'explosion des besoins, se demande Claude Béglé, candidat PDC au Conseil national et aux Etats

Soyons clairs, le flux migratoire actuel, de par sa nature et son ampleur, constitue un changement de paradigme. Nous nous devons d’accueillir ces réfugiés et l’Office fédéral des migrations fait du bon travail. Mais quelles réponses apporter face à l’explosion des besoins?
Cette crise bouleverse la distinction habituelle entre réfugiés politiques et/ou de guerre et migrants économiques. Les premiers sont traditionnellement considérés comme légitimes, les seconds non. Toutefois, ce critère d’analyse perd peu à peu de sa pertinence. Certes, il y a ceux qui fuient une vraie guerre; mais quid de ceux qui se résignent à l’exil car leur pays est ruiné par des conflits larvés ou que leur environnement en a pâti (Sud Soudan)… Tous voudront tenter leur chance en Europe. Or, le monde occidental n’est pas préparé à une telle «overdose» de réfugiés.
Alors, que peut faire la petite Suisse? Elle tient à honorer sa tradition humanitaire; mais il y a aussi un point de saturation au-delà duquel cela risque de déstabiliser le subtil équilibre de notre société. A ce titre, même si cela paraît bizarre, mieux vaut accepter des quotas à négocier avec l’Union européenne. Comme la Suisse en a fait jusqu’à présent plus qu’attendu, cela ne peut que jouer en notre faveur.
Par contre, un effort additionnel devra être consenti en matière d’intégration. Si la Suisse est un exemple de cosmopolitisme réussi (24% d’étrangers et 36% de la population issue de la migration), cette crise la confronte à un nouveau défi: celui de la provenance extra-européenne de la majorité des demandeurs d’asile actuels. Leur culture est souvent très éloignée de la nôtre. Il s’agit bien entendu d’accueillir ces réfugiés tels qu’ils sont, sans discrimination et sans ostracisme, notamment vis-à-vis de l’Islam. En revanche, nous devons rester attentifs aux tentatives sporadiques de radicalisation.
Une démarche en trois phases
Il est triste de constater qu’au bout de trois ans, seuls 20% des réfugiés travaillent, 80% restant tributaires de l’assistance sociale. Heureusement, ce taux atteint 50% après dix ans. Mais cette oisiveté n’est pas saine, ni pour eux, ni pour la société. Et notre aide sociale, dont nous pouvons être fiers, doit rester temporaire. C’est pourquoi je propose un objectif de 75%. A chacun d’assumer sa part.
Afin de favoriser l’intégration de ces nouveaux arrivants, je suggère une démarche en trois phases. Durant les six premières semaines, les requérants bénéficieraient d’une aide humanitaire d’urgence: un toit, de la nourriture, les soins sanitaires de base. Ce laps de temps permettrait à nos services de renseignements d’enquêter et de détecter d’éventuels terroristes ou fauteurs de troubles.
Puis, un permis provisoire (à distinguer de l’autorisation temporaire de séjour) serait délivré à ceux paraissant réunir les conditions pour un statut de réfugié. Ils seraient logés dans les centres fédéraux et leur dossier serait étudié en principe sous 140 jours. Les requérants déboutés devraient bien sûr repartir au plus vite. Durant ces premiers mois de séjour en Suisse, tous les requérants, bien que pas encore fixés sur leur sort, devraient déjà préparer leur intégration: apprendre une langue nationale, faire des «stages «professionnels (bien que sans affiliation à nos institutions de prévoyance sociales). Ils bénéficieraient en revanche des prestations de la LAMAL. Et leurs enfants seraient scolarisés dans des classes dédiées aux requérants.
Eviter les silos
Au bout de 140 jours, en cas d’obtention du statut de réfugiés, leur intégration devrait devenir effective. L’apprentissage linguistique serait approfondi. Les portes du monde du travail leur seraient largement ouvertes, avec des cours de formation ou de perfectionnement. Leurs enfants seraient intégrés dans nos écoles publiques.
Enfin, pour éviter des silos et que les immigrés ne restent entre eux, nous devons absolument favoriser leur intégration culturelle: compréhension de nos valeurs, de nos institutions, de nos coutumes au travail, dans les loisirs… A cette fin, je propose que des familles suisses volontaires «parrainent des familles réfugiées. Elles pourraient leur expliquer la vie quotidienne, les accueillir de temps à autre pour un repas ou leur ouvrir leur cercle d’amis. C’est par cet effort de solidarité de la société civile que nous aiderons ces gens à redémarrer une vie décente et leur offrir la possibilité de contribuer au développement harmonieux de notre société. C’est ainsi également que nous réconcilierons notre devoir humanitaire et la prospérité du pays. Car ces nouvelles rencontres seront aussi porteuses d’inspirations, d’innovations et d’opportunités.
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