Qui a joué un rôle décisif dans la création de l’ATS il y a cent vingt-cinq ans? J’éprouve un certain plaisir à le rappeler ici. C’est le secrétaire de rédaction du Journal de Genève, un certain Charles Morel, avec le soutien du Bund et de la NZZ. A l’époque déjà, il s’agissait d’assurer aux journaux une information «régulière, rapide, bien proportionnée à l’importance des faits, affranchie des influences étrangères, aussi sûres et impartiales que possible».
Incohérence du Conseil fédéral
Depuis, l’ATS rédige et diffuse chaque année, en trois langues, des milliers de dépêches. Roger de Diesbach, ancien rédacteur en chef de La Liberté, qui avait fait ses armes à l’agence, écrivait pour sa part: «Pour tous les journalistes du pays, l’ATS est la sonnette d’alarme, parfois la mémoire. L’ATS est une formidable caisse de résonance, indispensable, d’un intérêt général évident. Par sa mission, elle contribue à la transparence démocratique.»
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Dans ses lignes directrices actuelles, que l’ATS dit avoir l’intention de modifier au cours du premier semestre 2018 – on devine bien pourquoi –, les choses sont d’ailleurs très claires. Selon ce texte, le service de base de l’ATS relève d’«un esprit fédéraliste». L’agence fournit en effet un service équivalent dans les trois langues alors que seul le service en langue allemande est rentable. Ces lignes directrices soulignent également que son service de base remplit «une tâche politique dans la mesure où il contribue à la formation démocratique de l’opinion publique et à l’échange d’informations entre les régions linguistiques». Comme on ne s’arrête pas en si bon chemin, l’ATS se vante aussi de promouvoir une politique du personnel «motivante». Tellement motivante, il est vrai, que son personnel s’est mis en grève.
La retenue du Conseil fédéral dans cette affaire souligne la totale incohérence de sa politique en matière d’information. Nous sommes en pleine campagne contre l’initiative «No Billag». L’une des raisons principales de mon opposition à cette initiative, c’est la défense, au travers du service public de la SSR, de la qualité et de la diversité de l’information dans toutes les régions du pays. C’est aussi l’argument du Conseil fédéral.
Une entreprise privée d’intérêt public
Et que fait le gouvernement? Il laisse La Poste, propriété à 100% de la Confédération, prendre année après année des mesures qui pénalisent la presse écrite et menacent ses ressources, et par conséquent sa qualité et sa diversité. Il ne se passe bientôt plus un mois sans que de mauvaises nouvelles tombent concernant la survie de tel ou tel magazine ou quotidien.
Et voilà que l’ATS est à son tour menacée dans sa raison d’être. L’agence est certes une entreprise privée, mais c’est une entreprise privée d’intérêt public, ce que proclament d’ailleurs ses lignes directrices actuelles. Comme la SSR, c’est en outre une entreprise systémique dans le domaine des médias. L’ATS mérite d’être soutenue comme une certaine banque, l’UBS, l’a été il y a quelques années parce qu’elle était, et qu’elle est toujours, une entreprise systémique pour notre économie.
Le Conseil fédéral a les moyens de se faire entendre. La Confédération est cliente de l’ATS à laquelle elle verse chaque année 2,75 millions d’honoraires en échange de prestations. Et dès le 1er janvier 2019, elle devrait verser 2 millions supplémentaires, de subvention cette fois, pour l’accomplissement de tâches de service public. Rien que cela justifierait qu’on se réveille dans certains services de la Berne fédérale.
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