Penser à l’envers
Ces décisions sont autant de coups plantés dans le corps des valeurs égalitaires et méritocratiques de l’école publique. La société doit permettre à chacun de se forger des envies, de rêver, de choisir sa route, même de se tromper, afin d’avancer dans son parcours de vie. Un parti de gauche doit absolument promouvoir l’égalité en opportunités et la méritocratie – deux principes parfaitement compatibles, n’en déplaise aux idéologues de l’institut du Mont-Pèlerin et autres thuriféraires d’une école inégalitaire.
En durcissant les conditions de redoublement, de dérogation et de report, le DIP tape sur les plus faibles, fragilise les élèves aux parcours accidentés et sanctionne les indécis. A ce titre, l’Association des jeunes engagés (AJE) a eu raison de manifester le 28 octobre. Ici, on est bien loin du cliché érigé en vérité, celui de l’étudiant «jean-foutre», mais face à des élèves qui luttent pour l’égalité et le droit de se tromper. Comme l’a très bien dit une étudiante: «Changer d’avis à 15 ans, c’est normal!» A noter que le SSP et la Fédération des associations de parents d’élèves au post-obligatoire (Fappo) soutiennent la démarche.
Sélection trop précoce
Quelles raisons justifient ce durcissement? D’après Mme Emery-Torracinta, il s’agit «d’éviter que certains quittent le cycle secondaire sans certification» (RTS du 30 janvier) et de réduire le taux d’échec. A titre d’exemple, un élève sur quatre quitte le Collège sans maturité. On le sait pourtant déjà, le système éducatif suisse sélectionne trop, et trop tôt! L’OCDE le dit: «L’orientation précoce conforte l’avantage relatif des enfants dont les parents ont un niveau d’instruction élevé par rapport aux enfants dont les parents sont peu instruits» (rapport intitulé «En finir avec l’échec scolaire», 2007). Toujours selon l’OCDE, la Suisse applique une sélection trop précoce, et plus élevée qu’en moyenne européenne.
Drôle de méthode
Enfin, on doit s’interroger sur la méthode. Le train de mesures a été publié dans la FAO le 1er juillet avec entrée en vigueur fin août. Est-ce vraiment pertinent de procéder ainsi, sachant que syndicats étudiants et associations de parents sont en vacances?
On veut bien croire que l’objectif de Mme Emery-Torracinta est de lutter contre le décrochage et l’échec scolaires. Mais franchement, est-ce la bonne méthode, sont-ce les bons moyens? Je crois sincèrement qu’il faudra revoir sa copie et changer de chemin. Et, oui, il arrive à tout le monde de se tromper… encore faut-il en avoir le droit.