I dä Beiz

Ces impôts qui vous conduisent en enfer

Ce qui se diten Suisse alémanique, par notre correspondante à Zurich

Une damnée de l’enfer fiscal. Une vraie. Simone vivote du minimum vital social dans le village de Männedorf, à Zurich, écrasée par une dette de 1,8 million de francs. La retraitée de 64 ans, qui se livre à l’émission Beobachter le visage marqué par le désespoir, n’a péché ni par paresse ni par goût du luxe. Juste par apathie.

L’ancienne anesthésiste a délaissé son courrier, recommandés et autres injonctions postales, il y a plus de quinze ans, suite à une sévère dépression. L’employée, qui continuait de se rendre au travail, a laissé sombrer sa vie privée. Elle a ignoré ses déclarations d’impôt, ce qui lui a valu d’être taxée d’office; et d’être poursuivie jusqu’en enfer.

Sans réponse de la contribuable, les autorités fiscales ont estimé sa fortune et l’ont augmentée année après année. Alors que l’anesthésiste gagnait 250 000 francs, les autorités l’ont imposée sur 350 000 francs, puis 400 000, puis 500 000… et jusqu’à 750 000 francs. Sans réaction de Simone, inerte.

Son salaire, puis sa rente de retraitée, ont été systématiquement saisis par les autorités pour régler ces impôts surréalistes.

Des expertises psychiatriques prouvent que l’employée médicale était incapable de s’occuper de ses affaires administratives. L’Etat accepte, désormais, de suspendre les poursuites, mais refuse pour l’instant de rembourser les impôts touchés «en trop».

Simone n’est pas la seule à subir les flammes du purgatoire. Un homme, manœuvre, dyslexique, avait déjà fait les grands titres en novembre, car il n’avait jamais rempli de déclaration d’impôt et s’était retrouvé avec une note fiscale de plus de 100 000 francs en 2011, pour un salaire réel de 5000 francs par mois. Dans son cas, il a fallu que les habitants de son village, Dürnten, se mobilisent lors de l’assemblée municipale pour forcer la commune à lui faire un «don» exceptionnel, équivalant à la somme indûment perçue.

Ces cas n’ont rien d’exceptionnel, si ce n’est leur démesure. A Genève, il arrive régulièrement que des contribuables ne s’acquittent pas de leur devoir fiscal, laissant courir les multiples délais et injonctions. Par paresse, désespoir ou incompétence. Si la taxation d’office se révèle surévaluée et qu’ils finissent par réagir, deux mois plus tard, aucun remboursement ne leur sera accordé, souligne un avocat, ancien juge assesseur au Tribunal de première instance spécialisé en matière fiscale.

C’est de leur faute, il faut l’admettre. Ils n’ont qu’à se payer un conseiller fiscal et s’offrir une assurance juridique. Ces clés du paradis.

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