Ce lundi 9 novembre, je serai à Delémont, auprès du personnel médical de l’Hôpital du Jura, sévèrement touché par la crise.

Ce même lundi 9 novembre, j’aurais dû me rendre à Lausanne pour y remettre les Grands Prix suisses d’art et de design. L’occasion aussi d’y porter un message de soutien à l’ensemble des acteurs du monde de la culture, garants de nos équilibres et ambassadeurs de nos diversités.

Mais le virus en a décidé autrement. Annulations, fermetures, restrictions: partout en Europe, nos sociétés se barricadent. En l’espace de quelques semaines, la situation sanitaire s’est gravement détériorée. Jusqu’à pousser certains de nos hôpitaux aux limites de leurs capacités. Avec les cantons, le Conseil fédéral a pris les devants pour contrer cette deuxième vague.

Innover

Le virus ne se déplace pas seul, nous le faisons circuler. Garder les distances et réduire les contacts sont les mesures les plus efficaces pour limiter sa propagation; ces mesures sont aussi les plus contraignantes, car elles empiètent en profondeur sur notre vie en société. Théâtres, cinémas, salles de concert, centres culturels, musées et beaucoup d’autres encore en subissent les conséquences de manière brutale. Le régime imposé par la situation est drastique, parfois existentiel. Beaucoup sont contraints de fermer momentanément leurs portes; certains explorent de nouveaux terrains pour continuer à vivre leur passion et partager leurs créations.

Alors, vous qui faites vivre la culture, je vous encourage à innover. Mais je perçois aussi un très grand sentiment d’injustice. Comment pourrait-il en être autrement, en particulier pour celles et ceux qui ont scrupuleusement appliqué les mesures de protection, souvent avec succès? Cette frustration est parfaitement compréhensible. Reste la réalité de l’épidémie. La situation est grave et nous ne pouvons pas nous permettre de laisser craquer notre système de santé.

Les moyens vont suivre, le parlement a mis à disposition 130 millions supplémentaires cet automne

Le prix à payer est élevé pour la culture, ainsi que pour son public. En mars dernier, le Conseil fédéral n’a pas attendu pour agir; 280 millions de francs ont été mis à disposition, tout d’abord pour quelques mois. Puis nous avons prolongé ce soutien jusqu’à la fin 2021. Et les moyens vont suivre, le parlement a mis à disposition 130 millions supplémentaires cet automne. A la mi-novembre, je vais rencontrer les principales associations et institutions culturelles du pays pour faire le point et dresser des perspectives. Les professions techniques, sans lesquelles rien n’est possible, ne sont pas oubliées.

La culture est notre miroir

La culture réunit et fédère. Elle nous fait réfléchir; elle questionne et dérange, éveille nos émotions. Elle fâche et réconcilie. La culture est notre miroir. Elle est indispensable à notre démocratie.

A quoi vont ressembler les prochains mois? Personne ne le sait. Beaucoup de secteurs vont devoir se réinventer, le rapport au public va changer, la route sera tortueuse. Mais elle ne sera pas sans issue.


Alain Berset est conseiller fédéral, chef du Département fédéral de l’intérieur.


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