Opinion
OPINION. Les gouvernements européens doivent soutenir fermement l’indépendance de la CPI et protéger l’institution de toute pression ou menace extérieure, écrivent une cinquante d’anciens hauts responsables européens dont les anciennes conseillères fédérales Ruth Dreifuss et Micheline Calmy-Rey

Nous saluons le soutien que les dirigeants européens ont exprimé à l’égard de la Cour pénale internationale (CPI) et de son mandat unique qui vise à faire avancer la justice suite à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides. A travers son soutien constant à la CPI et la promotion de son action universelle, l’Europe démontre qu’elle s’engage sérieusement pour dissuader de telles violations et promouvoir un ordre international fondé sur des règles, la paix et la sécurité.
L’Europe a longtemps bénéficié d’un multilatéralisme ancré dans le droit international et les institutions qui le défendent. Aujourd’hui, alors que l’ordre multilatéral et l’indépendance du pouvoir judiciaire sont de plus en plus remis en question dans de nombreux endroits du monde et en Europe même, il est impératif de préserver la légitimité et le mandat de la CPI.
Accusations infondées d’antisémitisme
Nous regrettons de constater la multiplication des attaques contre la CPI, son personnel et les associations de la société civile qui collaborent avec la Cour. Nous avons assisté avec une vive inquiétude au décret émis aux Etats-Unis par l’ancien président Donald Trump et aux sanctions désignées contre le personnel de la Cour et les membres de leurs familles.
Nous sommes maintenant profondément préoccupés par la critique publique injustifiée de la Cour concernant son enquête sur les crimes présumés commis dans le territoire palestinien occupé, y compris les accusations infondées d’antisémitisme.
Il est bien établi et reconnu que la responsabilité des violations graves des droits humains commises par toutes les parties à un conflit est essentielle pour parvenir à une paix durable et viable. C’est le cas en Israël-Palestine, tout comme au Soudan, en Libye, en Afghanistan, au Mali, au Bangladesh/Myanmar, en Colombie et en Ukraine. En l’absence d’obligation de rendre des comptes pour de graves violations des droits humains, ce sont les victimes en quête de justice et les personnes aspirant à une paix durable qui en paient le prix.
L’Europe doit montrer l’exemple
Les tentatives visant à discréditer la Cour et à entraver son travail ne peuvent être tolérées si nous voulons sérieusement promouvoir et faire respecter la justice dans le monde. Nous comprenons les craintes à l’égard de plaintes et d’enquêtes qui s’appuieraient sur des motivations politiques. Pourtant, nous sommes fermement convaincus que le Statut de Rome garantit les critères de justice les plus élevés et constitue un moyen décisif pour lutter contre l’impunité des crimes les plus graves commis dans le monde. Ne pas intervenir aurait de graves conséquences.
Dans ce contexte, nous soulignons l’importance pour tous les gouvernements européens de soutenir fermement l’indépendance de la CPI et de protéger l’institution et son personnel de toute pression ou menace extérieure. Cela nécessite de s’abstenir de toute critique publique des décisions de la CPI, qui pourrait contribuer à porter atteinte à l’indépendance de la Cour et à la confiance du public dans son autorité.
Nous saluons la décision de l’administration Biden d’annuler le décret présidentiel et de lever les sanctions contre la CPI. Cela ouvrira des possibilités de travailler au renforcement des institutions et des normes de justice internationale avec notre principal allié transatlantique. La CPI est un élément essentiel de l’ordre international fondé sur des règles. Aujourd’hui plus que jamais, l’Europe doit montrer l’exemple en protégeant l’indépendance de la Cour.
Les signataires:
Douglas Alexander, ancien ministre du Développement international, Royaume-Uni
Jean-Marc Ayrault, ancien ministre des Affaires étrangères et premier ministre, France
Hans Blix, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien directeur général de l’AIEA, Suède
Emma Bonino, ancienne ministre des Affaires étrangères, ancienne ministre des Affaires européennes et ancienne commissaire européenne; cheffe de la délégation de l’UE à la conférence diplomatique de Rome qui a établi la CPI, fondatrice de No Peace Without Justice, Italie
Ben Bradshaw, ancien ministre d’Etat pour le Moyen-Orient, Royaume-Uni
Gro Harlem Brundtland, ancien premier ministre, Norvège
John Bruton, ancienne première ministre, Irlande
Micheline Calmy-Rey, ancienne ministre des Affaires étrangères et présidente, Suisse
Ingvar Carlsson, ancien premier ministre, Suède
Gunilla Carlsson, ancienne ministre de la Coopération au développement international, Suède
Lord Menzies Campbell, ancien chef du Parti libéral-démocrate, Royaume-Uni
Willy Claes, ancien ministre des Affaires étrangères et secrétaire général de l’OTAN, Belgique
Joe Costello, ancien ministre d’Etat au ministère des Affaires étrangères et du commerce, Irlande
Massimo D’Alema, ancien ministre des Affaires étrangères et premier ministre, Italie
Teresa Patrício de Gouveia, ancienne ministre des Affaires étrangères, Portugal
Karel De Gucht, ancien ministre des Affaires étrangères et commissaire européen, Belgique
Ruth Dreifuss, ancienne présidente, Suisse
Alan Duncan, ancien ministre d’Etat pour l’Europe et les Amériques et ministre d’Etat pour le développement international, Royaume-Uni
Espen Barth Eide, ancien ministre des Affaires étrangères, Norvège
Jan Eliasson, ancien ministre des Affaires étrangères et président de l’Assemblée générale des Nations unies, Suède
Uffe Ellemann-Jensen, ancien ministre des Affaires étrangères et président des libéraux européens, Danemark
Benita Ferrero-Waldner, ancienne ministre des Affaires étrangères et commissaire européenne chargée des relations extérieures, Autriche
Charles Flanagan, ancien ministre des Affaires étrangères, Irlande
Sigmar Gabriel, ancien ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier, Allemagne
Bjørn Tore Godal, ancien ministre des Affaires étrangères, Norvège
Bertel Haarder, président du Conseil nordique, ancien ministre des Affaires européennes et ministre de l’Intérieur, Danemark
Peter Hain, ancien ministre du Moyen-Orient, Royaume-Uni
Lena Hjelm-Wallén, ancienne ministre des Affaires étrangères et vice-première ministre, Suède
Lionel Jospin, ancien premier ministre, France
Tom Kitt, ancien ministre d’Etat pour le développement outre-mer et les droits de l’homme, Irlande
Lord Neil Kinnock, ancien commissaire européen, ancien leader du Parti travailliste, Royaume-Uni
Bert Koenders, ancien ministre des Affaires étrangères, Pays-Bas
Yves Leterme, ancien ministre des Affaires étrangères et premier ministre, Belgique
Martin Liedegaard, ancien ministre des Affaires étrangères, Danemark
Mogens Lykketoft, ancien ministre des Affaires étrangères et président de l’Assemblée générale des Nations unies, Danemark
Sénateur Michael McDowell, ancien ministre de la Justice et ancien procureur général, Irlande
Per Stig Møller, ancien ministre des Affaires étrangères, Danemark
Holger K. Nielsen, ancien ministre des Affaires étrangères, Danemark
Baroness Lindsay Northover, ancienne sous-secrétaire d’Etat parlementaire pour le développement international, Royaume-Uni
Andrzej Olechowski, ancien ministre des Affaires étrangères, Pologne
Marc Otte, ancien représentant spécial de l’UE pour le processus de paix au Moyen-Orient, Belgique
Ana Palacio, ancienne ministre des Affaires étrangères, Espagne
Chris Patten, ancien vice-président de la Commission européenne et commissaire européen chargé des relations extérieures, Royaume-Uni
Jacques Poos, ancien ministre des Affaires étrangères, Luxembourg
Mary Robinson, ancienne présidente et haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Irlande
Soraya Rodriguez, ancienne secrétaire d’Etat à la coopération internationale, Espagne
Robert Serry, ancien coordinateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, Pays-Bas
Javier Solana, ancien ministre des Affaires étrangères, secrétaire général de l’OTAN et haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et de sécurité commune, Espagne
Erkki Tuomioja, ancien ministre des Affaires étrangères, Finlande
Ivo Vajgl, ancien ministre des Affaires étrangères, Slovénie
Jozias van Aartsen, ancien ministre des Affaires étrangères, Pays-Bas
Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, France
Joris Voorhoeve, ancien chef du Parti libéral VVD et ancien ministre de la Défense, Pays-Bas
Margot Wallström, ancienne vice-première ministre et ministre des Affaires étrangères, Suède
Baronne Sayeeda Warsi, ancienne ministre et ministre des Affaires étrangères pour les Nations unies, les droits de l’homme et la CPI, Royaume-Uni.
Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.