«Bonjour, je travaille entre 2 et 3 dimanches par mois et n’ai aucune compensation ni en temps, ni en indemnisation financière. Je me demandais si cela était normal?» Voilà le genre de message qu’Unia reçoit régulièrement par l’intermédiaire de son service «Temps de travail».

Grâce à ce service, auquel les employés peuvent adresser leurs questions et se renseigner sur leurs droits, le syndicat dispose d’un excellent indicateur sur la situation actuelle en matière de droit du travail. Aucun doute possible: la pression sur les salariés augmente, les abus en matière de temps de travail sont légion, et les CCT et la loi sur le travail sont régulièrement bafouées.

Près de la moitié des salariés touchés

Un sondage organisé par Unia auquel plus de 500 personnes ont participé l’automne passé le prouve: dans les professions de bureau, près de 70% du personnel est exposé à du stress sur son lieu de travail, dont il lui est difficile de se distancer dans son temps libre. Ce stress a des conséquences catastrophiques sur la santé physique et psychique. Et il est bien souvent causé par des journées à rallonge, des horaires irréguliers ou imprévisibles, ou encore du travail effectué depuis la maison alors que la journée est finie.

Et c’est dans ce contexte qu’aujourd’hui, des représentants du patronat au parlement portent encore de nouveaux coups à la loi sur le travail. Il y a tout juste un an, de nouvelles dispositions permettant aux employeurs de ne plus enregistrer le temps de travail pour certaines catégories de personnel, ou du moins de le faire de manière simplifiée, sont entrées en vigueur.

Des protections fondamentales contournées

Désormais, si l’on en croit les députés Konrad Graber (PDC) et Karin Keller-Sutter (PLR), il faudrait déréglementer complètement l’enregistrement du temps de travail. Selon ces parlementaires, les dispositions en matière de protection de la santé inscrites dans la loi seraient également superflues.

Ces deux initiatives cherchent à contourner des mesures fondamentales de protection des salariés – durée maximale du travail hebdomadaire, durée du repos, droit aux pauses – et dégradent les conditions de travail en Suisse. Elles touchent près de la moitié des employés. Elles privent la main-d’œuvre de la seule protection efficace prévue contre le surmenage à l’heure où les dépressions, l’anxiété et les troubles du sommeil découlant du stress professionnel se répandent dans la population active.

L’urgence est au renforcement des contrôles

De plus, des études montrent que les personnes occupées sur une base flexible font plus d’heures que ce qui est prévu dans leur contrat. Et le phénomène est encore plus marqué pour celles et ceux qui ne saisissent pas du tout leur temps de travail. L’absence de saisie conduit donc au travail gratuit!

Pour répondre aux contraintes croissantes subies au travail, il ne faut pas affaiblir la loi mais au contraire renforcer les mesures de protection. Unia milite donc pour une exécution efficace de la loi sur le travail et pour un renforcement des contrôles, de la protection de la santé, et de la politique du temps de travail dans les conventions collectives.

Il faut également améliorer la loi pour l’adapter aux nouvelles formes de travail. Le télétravail, par exemple, rend de plus en plus floue la limite entre les activités professionnelles et privées. A mesure que la frontière s’amenuise, l’équilibre, le bien-être et la santé des salariés sont menacés. L’enregistrement de la durée du travail et les dispositions sur la durée de repos doivent donc aussi s’appliquer à ce type d’activité.

Plus globalement, l’urgence est très clairement au renforcement des contrôles et de la protection de la santé du personnel, certainement pas à la flexibilisation.


Vania Alleva, présidente du syndicat Unia.

Lire aussi la tribune en sens opposé de Guillaume Barazzone, conseiller national PDC genevois: «Il faut assouplir le droit du travail pour l’adapter à l’ère numérique»

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